vendredi 30 décembre 2011

François Parfaict, Histoire du théâtre français depuis son origine jusqu'à présent, 1721

Sur Google Books, L'histoire du théâtre français depuis son origine jusqu'à présent (Tome III) (1721) de François Parfaict .

Naissance du théâtre français :
Cet article ramené à la véritable origine du Théâtre François en 1552 car tout ce qui avoit précédé ce tems ne peut être regardé que comme des représentations Théâtrales dénuées de tout ce qui constituoit le genre de la Tragédie & de la Comédie Nous en exceptons les Farces qui comme nous l'avons déjà dit à l'article des Enfans sans Soucy furent les modèles sur lesquels les Poètes modernes firent leurs Pièces en trois Actes & en un Acte. 
Tome III, Préface

L'histoire du théâtre français depuis son origine jusqu'à présent (Tome I)

Nicolas Grenon, interprété en 1939 par Lise Daniels

Un lien vers une page de Gallica qui met en ligne un enregistrement de 1939 des Editions de l'Oiseau-Lyre : une interprétation de Lise Grenon d'un air de Nicolas Grenon, musicien de la cour de Bourgogne de la 1ère moitié du XVe, mort à Cambrai. C'est intéressant de voir combien l'interprétation de la musique ancienne a pu changer depuis cette époque...

Face 1


Face 2

On pourra comparer avec une interprétation instrumentale par le groupe Alla Francesca de la chanson  "La plus belle et doulce figure"



ou encore l'Ensemble vocal Roger Blanchard, autre version déjà assez ancienne puisqu'enregistrée dans les années 1950 ou 1960. Roger Blanchard était musicologue (il a rédigé un bon nombre d'articles sur la musique ancienne dans l'Encyclopedia Universalis)
On pourra écouter d'autres morceaux enregistrés par ce groupe ici.



Marie-José Mondzain, Qu'est-ce voir une image ?

Une conférence à l'Université de tous les savoirs de Marie-José Mondzain sur "Qu'est-ce que voir une image ?" (2004)
N'ayant pas réussi à mettre sur le post la conférence, il suffira de cliquer pour la voir.

Je reprends la présentation de sa conférence sur le site :

Qu'est-ce que voir une image ?

On associe spontanément l'image à la vision parce que nous identifions aussi naturellement image et spectacle. Les choses ne sont pas si simples. L'histoire théologique et philosophique témoigne de la vivacité des débats qui opposèrent les défenseurs de l'image à leurs adversaires. Tous défendirent l'image, reconnaissant en elle une opération structurante, mais pour les uns elle devait rester invisible alors que pour les autres la visibilité était sa condition nécessaire.

Est-il possible de concevoir un traitement du visible qui respecte l'invisibilité de l'image ? Si c'est le cas, il faut donc reprendre la définition différentielle de l'image et du visible pour construire la question du sens partagé dans l'expérience sensible ? Si le visible est déterminé par la vision, il est en effet irréductible au partage. La question qui porte sur le voir ne peut échapper à celle qui porte sur la parole elle-même. Ne faut-il pas dire alors que voir une image c'est partager le visible par l'usage de la parole ? Voir une image c'est déjà voir ensemble ce qui est montré à des sujets parlants. Dès lors on peut revenir à l'analyse de ce qui permet de distinguer non seulement image et vision mais aussi image et spectacle.

Les controverses actuelles qui traversent le monde du spectacle montrent clairement que la question : « qu'est-ce que voir une image ? » revient à demander : qu'est-ce qu'un spectateur et quelle est sa place ? Est-il toujours reconnu quand on lui donne à voir dans sa situation de sujet de la parole et de la pensée ?

Corneille et les Jésuites, article de Horia Lazar extrait des actes d'un colloque sur Corneille


Je reprends ici un long extrait d'un article rédigé par Horia Lazar, issu d'une communication prononcée lors d'un colloque (2007) en Roumanie sur Corneille.

On y trouvera une reprise de l'analyse de la querelle de la moralité du théâtre. Travail de synthèse qui met en parallèle Nicole et Varet en soulignant la différence de leur approche argumentative.

STUDIA UNIVERSITATIS BABES-BOLYAI, PHILOLOGIA, LII, 3, 2007

CORNEILLE ET LES JÉSUITES
HORIA LAZĂR

4. La querelle du théâtre au XVIIe siècle: mimèsis et divertissement. Désignées par synecdoque comme débat sur la «comédie», les querelles sur le théâtre qui émaillent le siècle classique mettent en scène deux conceptions chrétiennes qui s’affrontent: le camp des défenseurs et celui des ennemis du spectacle[1]. Les partisans du théâtre en minimisent l’emprise sociale et en font valoir les vertus pédagogiques (corriger les mœurs par le rire), fût-ce au prix d’une ambiguïté patente, qui joue sur le va-et-vient entre «instruire» et «plaire». En même temps, ils mettent en avant les variations historiques du genre. Dans la préface de Théodore, Corneille considère qu’Augustin s’en prend, dans ses écrits, au théâtre de son temps ; il est relayé par Molière qui, dans la préface de Tartuffe, relève un curieux „effet d’homonymie”[2] (un même mot pour des réalités différentes) dans les écrits des moralistes et des censeurs – des „essentialistes” qui n’ont pas le sens du vécu et de l’histoire. Pour sa part, Racine écrit avec impertinence, dans sa  Lettre aux deux apologistes de l’auteur des „Héresies imaginaires” que les Pères de l’Église ne pouvaient pas interdire la comédie d’après eux, faute de l’avoir connue.
 Les détracteurs du théâtre, dont le plus illustre est Nicole avec son Traité de la comédie, publié en 1667 mais rédigé avant 1650, sont nourris de références platoniciennes et augustiniennes. Hostile à la  mimèsis, le platonisme chrétien du XVIIe siècle s’interroge sur l’acteur et sur le statut du comédien, là où la poétique d’Aristote développe une théorie de la représentation et une esthétique de la réception focalisée sur le spectateur. C’est ainsi que dans la polémique de la moralité théâtrale l’enjeu n’est pas un genre littéraire mais le spectacle comme divertissement. Dénoncer la comédie revient donc à condamner le comédien et la puissance de contagion de son art, où 
l’«impression» et l’«expression» des passions sont les deux facettes du même dispositif. Une passion représentée est une passion que l’on éprouve, et dont le spectateur se laisse imprégner par contamination. Le langage des passions (leur «expression») «produit la réalité, et le dire entraîne le sentir”[3]. 
 La cible du rigorisme de Nicole n’est pas la comédie mais la tragédie: les exemples à ne pas suivre sont tirés du Cid, d’Horace et de Théodore ainsi que des Illustres ennemis de Thomas Corneille, le frère du dramaturge. Cette offensive morale, contemporaine de celle d’un autre janséniste, ou ami des jansénistes, Varet, est cependant différente de cette dernière. L’objectif de Nicole est la dénonciation de la „vertu romaine”, „chimère de l’honneur”, réduite à la seule dimension mondaine de l’amour-propre[4]; celui de Varet, de bannir du théâtre tout sujet chrétien. Nicole voit dans le théâtre un substitut de la morale chrétienne débordant le spectacle et risquant de s’imposer comme modèle anthropologique, alors que Varet, qui annonce la querelle du merveilleux, ramène la comédie à une profanation des mystères chrétiens. Contrairement à Molière qui, pour sauver le genre, réclame pour la comédie une place spécifique – les „intervalles” entre les exercices de piété -, Nicole voit dans l’engouement pour le théâtre le vertige d’un „vice d’accoutumance”: non pas une pratique de l’eutrapélie aristotélicienne (le plaisir de la conversation et du divertissement hygiénique) mais un excès qui se nourrit de son propre vide, un „dégoût de satiété”[5]. Ce refus radical du théâtre est en fait un rejet du divertissement, quel qu’en soit le genre[6]. Il passe par la dénonciation de l’amour, qui ranime en nous, par le biais du spectacle, la mémoire du péché; du mariage, si présent dans le genre comique, qui ne fait que brider la concupiscence sans l’abolir[7] ; du travestissement, qui fait vaciller l’identité sexuelle du personnage (homme ou femme?) mais aussi son statut moral et anthropologique (dévot ou hypocrite? porte-parole de Dieu ou imposteur[8] ?); du rire, dont l’insouciance est un outrage à la piété véhiculée par les larmes; du plaisir des yeux enfin, la libido oculorum d’Augustin, dans laquelle le plaisir du spectacle et les joies du narcissisme échangent leurs signes.
  À l’époque de Corneille, la méfiance du théâtre était largement partagée: gallicans, réformés, jansénistes et jésuites s’y retrouvaient fraternellement. En 1639, le ministre réformé André Rivet s’en prenait déjà aux spectacles, dans une période où le processus de régularisation de la comédie se déroulait sans heurts, sous la houlette de Richelieu. Quant aux jésuites, en général favorables à la rhétorique théâtrale, les choses sont complexes. Comme l’a montré Marc Fumaroli, ils distinguent entre l’inventio dramatique et l’actio histrionique[9], proposant un théâtre d’amateurs (de collège) ou domestique, de fauteuil (sans représentation: plaisir des oreilles, non des yeux). Louis Cellot lui-même, auteur de comédies latines, fait passer ses œuvres pour un simple exercice pédagogique de déclamation paraliturgique destiné à cautionner un savoir humaniste d’où l’inspiration profane est bannie.
 On devine l’amertume de Corneille vieillissant, dont l’étoile commence à décliner et qui, à partir des années 1650, est de plus en plus isolé. Avant cette date, cependant, il avait réformé en profondeur le théâtre français. Il avait imposé une dramaturgie à la fois chrétienne (héritage jésuite) et moderne (choix de la langue française), capable de concurrencer les Anciens. Si parfois il adapte le mythe grec, qu’il «adoucit» et «corrige», comme dans Rodogune, il le fait par respect des bienséances (le suicide de Cléopâtre doit faire oublier la cruauté inhumaine d’Électre) et aussi par la conviction que le registre historique est le plus propre a l’édification. Jouant simultanément sur le mythe et l’histoire, sur l’esthétique et la pragmatique, Corneille a imposé, ne fût-ce qu’un instant, une conception «théorhétorique» du théâtre, dans laquelle l’expérience proprement esthétique est mise au service de l’union mystique. Avec une audace peu commune, son ancien maître Delidel affirme, dans sa Théologie des saints, que les miracles, piliers de la foi dans les premiers siècles chrétiens, n’étaient plus nécessaires au XVIIe siècle. Qui plus est, ils étaient même «préjudiciables aux mérites des fidèles»[10] du fait de l’érosion de leur signification surnaturelle par banalisation. Le bon jésuite propose, comme soutien de l’éloquence sacrée et de la grâce, les «spectacles artificiels» procurés par le théâtre, la peinture, la musique[11].

5. Épilogue. 
Empoisonnée par la polémique calviniste, la France gallicane manifeste une vive hostilité envers le comédien, qu’elle partage, étonnamment, avec les milieux protestants. Si l’acteur est toléré avec bienveillance dans l’Italie de la Renaissance, où l’Église est peu regardante sur les pratiques païennes, dans la France du XVIIe siècle les comédiens font l’objet d’interdiction de sacrements et sont marqués d’incapacité juridique. Leur réhabilitation civile, œuvre de rois et de ministres qui aimaient le théâtre, a été contemporaine de la tentative des jésuites de conquérir l’espace laïque par l’affaiblissement du rigorisme gallican et aussi par la mise en veilleuse du théâtre populaire, profane, vulgaire. Créateur de langue littéraire devenue bientôt langue de Cour, Corneille anticipait, avec son Illusion comique qui met en scène le magicien Alcandre, figure du poète-dramaturge, la réhabilitation du comédien dépeint sous les traits du créateur de  prestiges. En 1641, Richelieu, grand amateur de théâtre, en fit un objet de loi. À partir de cette date, le comédien, qui se distingue de l’antique histrion, devient personne juridique, peut se marier et accède aux sacrements, aux donations et aux actes de bienfaisance. Grâce à une synthèse sui generis entre rhétorique et poétique, humanisme et symbolisme religieux, le «paradigme sacerdotal» des jésuites s’incarne dans un théâtre paraliturgique traversé et imprégné par l’héroïsme profane, auquel cependant il ne peut être réduit. Dans le même sens, l’exaltation de la politique et l’éloge des vertus publiques ne doit pas faire oublier que le politique cornélien se développe, peut-être sous l’influence de l’inquiétant mystique Lallemant, sous le signe de la souffrance et du deuil: un abîme qui donne le vertige et qui peut être rempli, mais avec des vertus privées (la bienveillance, l’amitié, la douceur, l’amour[12]). Engagé dans un destin collectif et dans des projets de fondation politique, le héros cornélien est une figure emblématique de l’individualisme. 

Université Babes-Bolyai, Clu


[1] Voir les analyses de Laurent Thirouin, L’aveuglement salutaire. Le réquisitoire contre le théâtre dans la France classique, Paris, Honoré Champion, 1997, passim.
[2] Laurent Thirouin, op. cit., p. 38
[3] Ibid., p. 179. Pour sa part, Nicole écrit: «Les comédies et les romans n’excitent pas seulement les passions, elles enseignent aussi le langage des passions» (Traité de la comédie, chap. V).
[4] Un «furieux amour de soi-même» qui fait naître l’ambition, la jalousie, la vengeance (Ibid., chap. VI).
[5] Ibid., chap. VIII: «[…] il est visible qu’ils n’y vont pas pour se délasser l’esprit des occupation sérieuses; puisque ces personnes, et principalement les femmes du monde ne s’occupent presque jamais sérieusement. Leur vie n’est qu’une vicissitude continuelle de divertissements. »
[6] Le réquisitoire de Nicole vise conjointement la comédie et le roman (Traité…, chap. IV, V, VIII). C’est une radicalisation du platonisme, car Platon demandait le bannissement des poètes, experts de la mimèsis par laquelle la participation de la copie au modèle engendre la confusion des objets et de la réalité, mais non des conteurs, professionnels de la diègesis, qui incarnent «la maîtrise du logos sur le monde» (Laurent Thirouin, op. cit., p. 58)
[7]«La représentation d’un amour légitime et celle d’un amour qui ne l’est pas font presque le même effet» (Traité de la comédie, chap. III)
[8] Dans la deuxième version de Tartuffe (Panulphe ou l’Imposteur, 1667), Panulphe est habillé en homme du monde en non plus en semi-ecclésiastique, afin d’apaiser la colère des dévots.
[9] Marc Fumaroli, «Sacerdos sive rhetor, orator sive histrio: rhétorique, théologie et „moralité du théâtre” en France de Corneille à Molière”, dans Héros et Orateurs…, op. cit., p. 457.
[10] Cité par Marc Fumaroli, «Rhétorique, dramaturgie et spiritualité: Pierre Corneille et Claude Delidel, S. J.», dans Héros et Orateurs…, op. cit., p. 135
[11] Selon Louis Châtellier, L’Europe des dévots, Paris, Flammarion, 1987, p. 163 et suiv., la piété des jésuites fait passer les dévotions publiques et communes, fortement théâtralisées, avant celles de l’«homme intérieur». Ce sont ces rites collectifs (processions, parcours pénitentiels, représentations de la passion, pèlerinages) et la communautarisation de la foi qui ont suscité la réaction de l’Oratoire et des jansénistes, avec comme point d’orgue la publication des Provinciales de Pascal. Reste à savoir, selon l’auteur, si l’individualisme pascalien est l’expression de l’angoisse ou du désespoir d’un auteur antibaroque, hostile au catholicisme romain porté par les jésuites, toujours plus envahissant dans les années 1640-1650.
[12] Marc Fumaroli, «Corneille et le Collège des Jésuites de Rouen», dans Héros et Orateurs…, op. cit., p. 76)

jeudi 29 décembre 2011

l'Abbé d'Aubignac, Projet pour le rétablissement du théâtre françois


Repris sur archive.org, le texte de l'abbé d'Aubignac qui clôt la Pratique du théâtre (1657). 
Texte important s'inscrivant de façon explicite dans le cadre de la politique menée par Richelieu pour rétablir le théâtre français dans sa dignité. 
Examen des arguments des anciens pour condamner le théâtre et leur réfutation.

PROJET Pour le Rétablissement du Théâtre François.

Les causes qui empêchent le Théâtre François de continuer le progrès qu'il a commencé de faire depuis quelques années, par les soins et les liberalitez de feu Monfieur le Cardinal de Richelieu, se peuvent réduire à six chefs :
Le premier est, la Créance commune, Que d'assister c'est pêcher contre les règles du Christianisme.
Le second est, l'infamie dont les Loix ont noté ceux qui font la profession de Comédiens publics.
Le troisième est les défauts & les manquemens qui se rencontrent dans les Representations.
Le quatrième, les mauvais Poèmes qui s'y representent indifféremment avec les bons.
Le cinquième , les mauvaises Décorations.
Et le sixième , les Desordres des Spectateurs.

Pour commencer par la Créance commune, il est vrai que les anciens Pères de l'Eglise ont toujours défendu le Théâtre aux Chrétiens, & cela pour deux raisons. La première (qui n'a point encore été reconnue de perfonne) est que la Répresentation des Comédies etoit anciennement un Acte de Religion, & faisoit partie du culte des faux-Dieux; cela est fans doute, & facile à montrer par mille témoignages des plus fameux Ecrivains de l'Antiquité. Et les premiers Pères de l'Eglise ont condamné les Chrétiens qui y assistoient, comme participans à l'Idolâtrie, à laquelle ils avoient renoncé par le Baptême : ce que l'on peut reconnoitre aisement dans tous les écrits de Minutius, de Tertulien, de S. Cyprien, de S. Augustin,de Lactance & de tous les autres.
La seconde raison étoit fondée sur les impuretez qui s'y disoient, & qui s'y representoient par les Mimes, Pantomimes, Sauteurs, et Bateleurs qui avoient pour leur partage les Dithyrambes, Phales, Ithyphales, les Priapées, & autres reprefentations honteuses & deshonnêtes, propres au culte de Bacchus, à qui le Théâtre étoit consacré comme à son Auteur, & de Venus sa Compagne.
Quant à la première raison, qui concernoit la Religion Payenne, elle cesse maintenant; puis que les Comédies ne sont que des divertissemens agréables, & non plus des cérémonies d'impiété à l'honneur des Ido!es ; mais il est necessaire d'en bien instruire le Public.
Pour la seconde raison, bien qu'elle ait été absolument bannie du Théâtre de feu Monsieur le Cardinal de Richelieu , il en reste encore néanmoins quelque trace sur ceux du Public , non seulement dans des Farces sales & des-honnêtes ; mais encore dans les Poèmes où les Auteurs, par un mauvais désir de plaire au petit peuple, répresentent des Histoires impudiques & de mauvais exemple : ce que les Chrétiens ont sujet de condamner, & qu'un homme d'honneur n'approuvera jamais ; & jusqu'à tant que le Théâtre soit aussi pur devant le peuple qu'il l'étoit devant M. le Cardinal de Richelieu, l'on aura juste sujet de croire qu'il est contre la sainteté de l'Evangile & contre les bonnes mœurs.

A l'égard de l'Infamie de ceux qui montent sur le théâtre elle étoit juste autrefois, mais maintenant elle ne l'est plus.
Pour bien entendre ce point , il faut fçavoir , Qu'il y avoit deux fortes d'Acteurs parmi les Anciens, les Mimes & Bateleurs, dont nous avons parlé; & les Comédiens dont le nom comprend maintenant ceux qui jouoient les Comédies & les Tragédies. Et comme ces deux sortes de gens étoient differens aux choses qu'ils representoient, en la manière de representer, aux lieux où ils jouoient, & aux habits qu'ils portoient, ainsi qu'on le peut prouver aisément, ils furent aussi traitez différemment.
Les premiers furent déclarez infâmes dans les derniers temps par les Romains, encore qu'au commencement cela n'eût pas été parmi eux, non plus que parmi les Grecs.
Mais les Comédiens n'ont jamais reçu cette disgrace, aiant toujours été traitez avec honneur par les personnes de grande condition, & capables de toute societé civile : ce que l'on peut justifier par beaucoup de rencontres, & même de ce que les Poètes Dramatiques, dont aucuns ont été Généraux d'Armée, jouoient quelquefois eux-mêmes le principal Personnage de leurs Pièces ; & s'ils ont été quelquefois maltraitez à Rome après la mort des Tyrans sous lesquels ils avoient servi, ce fut par maxime d'Etat comme amis des mauvais Princes, & non par règle de Police comme ennemis des bonnes mœurs.
Or en France la Comédie a commencé par quelque pratique de pieté , étant jouée dans les Temples, & ne representant que des Histoires saintes ; mais elle dégénéra bien-tôt en Satyres & bouffonneries, autant contraires à l'honnêteté des mœurs, qu'à la pureté de la Religion. Elle fut quelque temps ainsi mal-traitée par les Basochiens qui furent comme les premiers Comédiens en ce Roiaume; & enfin par les Bateleurs publics, parmi lesquels elle a demeuré plusieurs années, avec autant de honte que d'ignorance, jusqu'à n'avoir pas seulement une toile pour cacher les Acteurs qui n'avoient plus rien à faire sur la Scène , & jufqu'à rendre la focieté des Comédiens comme une Troupe de perdus & de débauchez; & la licence de cette vie attirant beaucoup de jeunes hommes par diverses considérations, les Rois les notèrent d'infamie pour divertir de cette débauche licentieuse les enfans de bonne famille par la honte publique, & la crainte d’etre à jamais incapables d'approcher les gens d'honneur.
Et comme la Comédie ne recevoit aucune perfection dans l’art, ni aucune correction dans les mœurs, elle a été long-temps peu recherchée, & ceux qui en ont fait profession, toujours mesestimez ; de sorte que les personnes de condition relevée ont refusé d'imiter les Anciens, c'est à dire de contribuer comme eux aux dépenses necessaires pour lui rendre son éclat, parce qu'ils ont cru que c'eût été entretenir l'exemple du vice, & autoriser l’infamie de cette débauche.

De ces deux considérations est venue la troisième cause, qui arrête le progrez de la Comédie, je veux dire, les défauts des Representations.
L'estime que les Anciens ont fait de la Comédie, donnoit sujet à beaucoup d'habiles gens d'en faire profession, & comme la gloire des Magistrats qui en avoient soin, & la fortune des Choragues ou Entrepreneurs, avec lesquels ils traittoient , dependoient de la réussite des Jeux, ils prenoient beaucoup de peine à choisir de bons Acteurs, & à leur faire tout exécuter parfaitement; si bien qu'ils avoient diverses Troupes de Comédiens, & fort excellens ; au lieu que jusqu'ici peu de perfonnes instruites aux bonnes lettres ont monté sur Théâtre, en étant retenus, ou par la créance de pêcher, ou par la crainte de l'infamie : de sorte que ceux qui s'en mêlent, etant la plupart ignorans aux Spectacles, ils les rejettent, ou en négligent la représentation ; & n'aiant connoissance des passions, voire même ne sachant qu'a peine la langue Françoise, ils expriment imparfaitement ce qu'ils recitent , & fouvent au contraire de ce qu'ils doivent. Au reste quand il s'est trouvé quelque bon Auteur digne de l'ancien Théâtre, il a presque toujours été mal fécondé ; & lors qu'il a manqué, il a presque été impossible d'en réparer la perte, ce qui met la Comédie à la veille de sa ruine.

La quatrième cause fondée sur les mauvais Poëmes ne regarde point les Modernes qui ont établi leur estime par beaucoup d'Ouvrages excellens, mais voici ce qu'il y faut considerer.
Il eft bien mal-aisé que les Anciens nous ayent laissé beaucoup de mauvaises Pièces de Théâtre, parce qu'elles étoient & vues & examinées par les Magistrats ; & qu'ils travailloient pour la gloire seulement, & pour obtenir un prix qui étoit ajugé avec beaucoup de cérémonie, en de saintes & grandes solemnitez, à celui qui avoit le mieux satisfait les Juges & les Spectateurs ; mais nous sommes bien éloignez de cette méthode.
A l'origine de la Comédie, comme nôtre Poësie étoit très-mauvaise en la vérification , elle fut aussi fort defectueuse aux Pièces de Théâtre ; & j'en ai vu qui étoient composées de quarante-huit Actes, ou Scènes, sans aucune autre distinction. Au siècle de Ronsard elle commença à se former par Jodelle, Garnier, Belleau, & quelques autres qui se contentoient
de faire de beaux discours, mais trop grands , & sans aucun art , ni representation agréable. Hardy fit au contraire, cherchant à plaire au peuple par la variété des choses representées ; mais sans aucune connoissance du Théâtre que sa neceffité ne lui permit pas d'étudier : Enfin feu M. le Cardinal de Richelieu soutenant les veilles & les travaux des Poètes par ses bienfaits, a mis la Comédie en l'état où nous la voîons maintenant paroitre, bien éloignée néanmoins encore de sa perfection, & même de celle qu'elle avoit acquise de son temps.
Car comme il naît tous les jours de nouveaux Poëtes par le desir de la gloire ou de la recompense , & qu'ils ne peuvent pas être tous excellens, on void bien souvent sur le Théâtre des Poèmes qui ne sont pas dignes d'y monter, ce qui procède du peu d'experience, & quelquefois de la presomption des nouveaux Poètes, & même de l'ignorance des Comédiens qui sont seulement capables de juger de certaines choses, & non pas de toutes ; à fçavoir, de celles qu'ils ont pratiquées, & non pas des nouvelles inventions, & sur tout du peu de soin qu'ils prennent à repasser & éprouver leurs Pièces devant des personnes capables, avant que de les exposer au public : Ajoutez la difficulté qu'il y a de juger d'une Pièce de Théâtre par la lecture ; car souvent il arrive que les moins agréables à lire, sont les plus parfaites en la reprefentation ; & qu'au contraire, celles que l'on trouve merveilleuses sur le papier, se trouvent quelquefois tres-defectueuses sur le Théâtre, la raison est , la différence qu'il y a de s'imaginer une action dans la lecture, ou de la voir devant ses yeux dans la representation. Les choses belles à dire, ne le sont pas toujours à faire, la douceur de la lecture rend certaines choses agréables, & en fait passer d'autres pour molles & foibles ; au lieu que la véhémence du Récit change les agréables en indécentes, & fortifie les foibles : Tous lesquels défauts des Representations, diminuant l'excellence des Comédies, decréditent les Acteurs & les Poëtes, & entretiennent le peuple dans la créance que le Théâtre n'est pas une bonne chose.

La cinquième cause touchant les Décorations est encore très-imposante, chez les Anciens, les Magistrats & autres grands Seigneurs, qui donnoient au peuple les divertissemens des Spectacles, ou par l'obligation de leur charge, ou pour acquérir la bienveillance publique, en faisoient toutes les décorations à leurs dépens, les Comédiens n'y contribuoient en rien ; de forte qu'elles étoient parfaites , magnifiques & trèsconvenables au deflein du Poète, & cela ne doit pas être contesté.
Mais maintenant ce sont nos Comédiens , quoi que peu accommodez en leurs affaires, qui font tous ces frais, & qui pour se soulager y emploient le moins qu'il leur ait possible, rendant par ce moien les Décorations du Théâtre imparfaites, très mauvaifes, & tout-à-fait indignes des inventions de nos Poètes.
Quant aux Desordres des Spectateurs , il faut considerer qu'il n'y eût jamais de seureté pareille à celle des Théâtres anciens, où tout se faisoit par l'ordre des Magistrats presens ; ce que l'on peut justifier par de belles observations ; mais parmi nous , il n'y en a point du tout, par la licence que plusieurs mal-vivans ont de porter l'épée dans les lieux destinez aux divertissemens publics, & d'y attaquer insolemment des gens d'honneur, qui n'ont point d'autres armes pour leur defence que l'authorité des Loix.
Davantage dans l'ancien Théâtre tout y étoit si paisible, que les femmes, qui n'osoient presque sortir de leur appartement, y alloient avec leurs enfans en toute liberté.
Mais ici les Representations font incessamment troublées par de jeunes débauchez , qui n'y vont que pour signaler leur insolence, qui mettent l'effroi par tout , & qui souvent y commettent des meurtres.
Ajoutez que les sieges des Spectateurs étoient autresfois si bien ordonnez, que chacun étoit placé commodément, & que l'on ne pouvoit faire aucun desordre pour changer de place ; au lieu que maintenant les Galleries, & le Parterre font très-incommodes, la plupart des loges étant trop éloignées & mal situées, & le Parterre n'ayant aucune élévation , ni aucun siege : Si bien que la feureté n'y étant point, les gens d'honneur ne s'y veulent pas exposer aux Filoux, les Dames craignent d'y voir des épées nues, & beaucoup de personnes n'en peuvent souffrir l'incommodité : ainsi le Théâtre étant peu fréquenté des honnêtes gens, il demeure décredité comme un simple Bâtelage, & non pas estimé comme un divertissement honnête.

(a) Pour remédier à tous ces desordres, il est necessaire avant toute chose, que le Roi fasse une Déclaration qui porte d'une part, Que les Jeux du Théâtre n'étant plus un acte de Religion & d'Idolâtrie, comme autresfois, mais seulement un divertissement public ; & d'un autre côté que les Representations y étant réduites dans l'honnêteté, & les Comédiens ne vivant plus dans la débauche & avec scandale : (ce qui avoit obligé les Rois ses predecesseurs de les déclarer infâmes) Sa Majefté lève la notte d'infamie décernée contr'eux par les Ordonnances & Arrêts ; avec defence neantmoins de ne rien dire ni faire sur le Théâtre contre les bonnes mœurs, sous les peines qui sont portées, ni de commettre aucune action en leur vie particulière contre l'honnêteté , à peine d'être chassez du Théâtre, & de retomber dans la première infamie dont ils avoient été notez.
Et pour y conferver la bien-feance, Ne pourront les filles monter sur le Théâtre, si elles n'ont leur père ou leur mère dans la Compagnie. Que les veuves feront obligées de se remarier dans les six mois d'après l'an de leur deuil au plus tard , & ne joueront point dans l'an du deuil, sinon qu'elles fussent remariées.
Pour l'exécution de cette Déclaration S. M. établira une personne de probité & de capacité comme Directeur, Intendant, ou Grand-Maître des Théâtres & des Jeux publics de France, qui aura soin que le Théâtre se maintienne en l'honnêteté, qui veillera sur les actions des Comédiens, & qui en rendra compte au Roi, pour y donner l'ordre necessaire.
Par ce moien les deux premières causes qui empêchent le rétablissement du Théâtre cesseront ; on y assistera sans scrupule de conscience, l'impureté en étant retranchée ; & l'on aura les Comédiens, en bonne estime par la créance de leur bonne vie, sur tout quand on verra qu'ils n'y pourroient être maintenus autrement. Ce fut par une semblable Déclaration que les Empereurs Romains reformèrent le Théâtre quand il fut corrompu.
(a) La troisième cause cessera pareillement, car cette profession n'étant plus infamante, ceux qui s'en trouveront capables , s'y presenteront librement par l'espoir du gain & de l'honneur ; & l'Intendant du Théâtre aura lui-même soin d'en chercher dans les Collèges, & dans les Troupes qui vont par les Provinces , & les obligera d'étudier les Reprefentations des Spectacles, aussi bien que les Récits & les Expressions des sentimens, afin qu'on n'y voie rien que d'achevé ; Et pour cet effet personne ne pourra être associé dans une Troupe que par Brevet du Roi, donné sur un Certificat de sa capacité & probité qui lui fera délivré par l'Intendant, après en avoir fait l'épreuve. Ainsi l'on n'aura jamais faute de bons Acteurs, & les Representations ne feront plus defectueuses.
(b) La quatrième cause qui regarde les Poètes sera traittée avec quelque modération ; car pour ceux qui sont maintenant approuvez par l'excellence & le grand nombre de leurs Poèmes, ils seront seulement obligez de faire voir leurs Pièces à l'Intendant, pour en examiner l'honnêteté & la bien-séance, le reste y demeurant au péril de leur réputation.
Mais pour les nouveaux Poètes , leurs Pièces seront examinées par le même Intendant, & reformées selon tes ordres ; si bien que le Théâtre ne fera point chargé de mauvaises Pièces, ni les Comédiens sujets d'en recompenser plusieurs qui leur sont après infructueuses.
(a) Et pour le rétablissement des Décorations, elles seront faites par les soins de l'Intendant qui employera des gens habiles aux dépens du public, & non des Comédiens , qui ne seront chargez d'autres frais que de leurs vêtemens particuliers, & de la recompense qu'ils donneront aux Poètes ; les Décorateurs ordinaires ne seront pas même a leur charge.
(b) A l'égard de la sixième, en ce qui concerne la seureté & la commodité des Spectateurs , le Roi fera defence a tous Pages & Laquais d'entrer au Théâtre à peine de la vie, & a toutes personnes de quelque condition qu'elles soient d'y porter l'épée ni autres armes offensives sur les mêmes peines ; étant raisonnable que la seureté publique, qui n'y peut-être par le respect, comme dans les Palais & dans les Temples, s'y rencontre par l'égalité de ceux qui y assisteront. Pour cet effet deux Gardes ou Suisses du Roi feront posez aux portes du Théâtre, & changez de temps a autre, pour empêcher par là ceux qui voudroient contrevenir à son intention : ce qui ne fera point refusé par ses Gardes, le Théâtre perdant sa première infamie, & fe retablissant dans l'honneur qui lui est deû.
Et pour la commodité des Spectateurs, le Parterre doit être élevé en Talut, & rempli de lièges immobiles, jusqu'à ce qu'on y ait pourvu autrement ; ce qui empêchera même que les assistans ne s'y battent, n'ayant ancun espace pour le faire.
Mais pour achever la magnificence du Théâtre, l'Intendant trouvera un lieu commode & spacieux pour en dresser un selon les modelles qui seront donnez a l'exemple des Anciens ; en sorte que sa longueur & sa profondeur soient capables de toutes les grandes Representations , & où les sieges des Spectateurs soient distinguez, sans que les personnes de condition y soient meslées avec le menu peuple ; & à l'entour duquel seront bâties au dehors, des maisons pour loger gratuitement deux Troupes de Comédiens necessaires à la ville de Paris.
Pour l'achapt de la Place, construction du Théâtre selon le dessein qui en a été fait, logement des Comédiens, fournissement des Décorations extraordinaires, pensions des deux Troupes, telles que le Roi les leur a données jusques à present, appointement de l'Intendant, gages des Décorateurs , entretiens des lieux & autres frais, se trouvera un fond suffisant sans toucher aux Finances du Roi.
Ainsi l'on remédiera à l'imperfection des Spectacles que l'on rendra magnifiques & dignes de la Cour de France & de la ville de Paris ; le peuple par ce moien aura quelque image des merveilleuses Reprefentations qu'on a vues sur le Théâtre du Palais Cardinal, & du petit Bourbon & sera moins jaloux des plaisirs que les Grands doivent recevoir des magnificences de la Cour.
F I N.

Etienne Pasquier, Les Recherches de la France (1560-1665), Histoire du théâtre

Le chapitre VII des Recherches de la France d'Etienne Pasquier qui offre une esquisse d'histoire de la littérature française depuis les origines - édition de 1621, disponible sur Gallica. Sur Google books, on trouvera l'édition de référence de 1665.
Le compte rendu de l'édition publiée chez Champion en 1996.
Selon Jean-Yves Pouilloux, dans l'article qu'il consacre à Pasquier dans l'Encyclopédie Universalis, un des intérêts majeurs de l'oeuvre de Pasquier dans son approche de l'histoire de la littérature française est d'insister, contrairement à la génération précédente qui mettait en avant la rupture représentée par la Renaissance, sur la continuité entre la littérature du XVIe et celle du Moyen-Âge.



Je transcris ci-dessous le passage concernant la renaissance du théâtre antique autour de Jodelle, La Péruse, Baïf et Garnier (Livre VII, chapitre 7, "De la grande flotte de poëtes que produisit le règne du Roi Henry deuxième, et de la nouvelle forme de poësie par eux introduite", p.612 de l'édition de 1665)


Quant à la comédie et tragédie nous en devons le premier plant à Etienne Jodelle et c’est ce que dit Ronsard en la même élégie :



Après Amour la France abandonna
Et lors Jodelle heureusement sonna
d’une voix humble, et d une voix hardie
La comédie avec la tragédie
Et d’un ton double ores bas ores haut
Remplit premier le français echafaut



Il fit deux tragédies la Cléopâtre et la Didon et deux comédies la Rencontre & l’Eugène. La Rencontre ainsi appelée parce qu’au gros de la meslange tous les personnages s’étaient trouvez pêle-mêle casuellement dedans une maison, fuseau qui fut fort bien par lui démêlé par la clôture du jeu. Cette comédie et la Cléopâtre furent représentées devant le roi Henri à Paris en l’hôtel de Reims, avec un grand applaudissement de toute la compagnie : et depuis encore au collège de Boncour où toutes les fenêtres étaient tapissées d’une infinité de personnages d’honneur et la cour si pleine d’écoliers que les portes du collège en regorgeaient. Je le dis comme celui qui y étais présent avec le grand Tornebus en une même chambre. Et les entreparleurs étaient tous hommes de nom car même Remy Belleau et Jean de la Péruse jouaient les principaux roulets. Tant était lors en réputation Jodelle envers eux. Je ne vois point qu’après lui beaucoup de personnes aient embrassé la comédie : Jean de Baïf en fit une sous le nom de Taillebras, qui est entre ses poèmes : et la Péruse une tragédie sous le nom de Médée qui n’était point trop décousue et toutefois par malheur elle n’a été accompagnée de la faveur qu’elle méritait.



Tu vins après (dit Ronsard) encothurné Péruse
Espoinçonné de la tragique muse,
Muse vraiment qui t’a donné pouvoir
D’enfler les vers et grave concevoir
Les tristes cris des misérables princes
A l’impourvu chassés de leurs provinces
Et d irriter de changements soudains
Le roi Créon et les frères thébains
Ah cruauté et de faire homicide
De ses enfants la sorcière Colchide



Il ne fait aucune mention de Robert Garnier : D’autant qu’il ne s était encore présenté sur le théâtre de la France : Mais depuis que nous l’eûmes vu, chacun lui en donna le prix sans aucun contredit, & c’est ce que dit de lui même Ronsard sur sa Cornélie



Le vieil cothurne d’Euripide
Est en procès entre Garnier
Et Jodelle qui le premier
Se vante d’en être le guide
Il faut que ce procès on vuide
Et qu’on adjuge le laurier
A qui mieux d’un docte gosier
A bu de l’onde aganippide
S’il faut épelucher de près
Le vieil artifice des Grecs
Les vertus d’une œuvre et les vices
Le sujet et le parler haut,
Et les mots bien choisis il faut
Que Garnier paye les épices



Il dit vrai et jamais nul des nôtres n’obtiendra requête civile contre cet arrêt. Au demeurant Garnier nous a fait de huit tragédies toutes de choix et de grand poids, de la Porcie, de la Cornélie, du Marc Antoine, de l’Hippolyte, la Troade, l’Antigone, des Juives et de la Bradamante. Poëmes qui à mon jugement trouveront lieu dedans la postérité.

Joconde, le portail des collections des musées de France

J'ai mis mon nez dans Joconde, le portail des collections des musées de France. C'est assez foisonnant. Je ne sais pas encore trop comment explorer mais ça viendra.
C'est dans le principe un catalogue, c'est-à-dire que ce n'est la promesse d'accéder nécessairement une reproduction de l'oeuvre. D'où des recherches parfois un peu décevantes...

En passant - comme d'habitude :
Quelques Rubens dans les collections françaises, pris un peu au hasard (comme d'habitude : je prends ce qui vient, ce qui se donne dans les premières pages, sans aucune systématicité, simplement ce qui me fait plaisir, quand la peinture me semble belle et quand la reproduction me paraît au minimum passable, ce qui n'est pas toujours le cas). Pour Rubens, il y a quand même sur Joconde 687 réponses - qui incluent aussi les copies, les études faites à partir de son oeuvre (notamment une très belle série de dessins de Lebrun d'après Rubens, conservé au département des arts graphiques du Louvre et aussi quelques dessins de Delacroix d'après Rubens).

Les dessins de Charles Lebrun d'après Rubens


LE BRUN Charles ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Homme coiffé d'un turban, tenant une draperie entre les dents, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, INV 28911, recto

LE BRUN Charles ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Homme demi nu, coiffé d'un turban, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, INV 28912, recto

LE BRUN Charles ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Femme à genoux, la tête cachée dans ses mains, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, INV 29274, recto

LE BRUN Charles ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Titre              Draperie pour une figure de profil, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, INV 29275, recto

LE BRUN Charles ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Femme en buste, la tête renversée en arrière, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, INV 29276, recto

LE BRUN Charles ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Homme drapé, assis sur une échelle, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, INV 29284, recto

LE BRUN Charles ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Femme drapée et voilée, de profil, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, 29285, recto



Les dessins d'Eugène Delacroix d'après Rubens

DELACROIX Eugène ; RUBENS Pierre Paul (d'après) ; ANDRIEU Pierre (attribué à), Etude d'après le combat des Amazones, Période création/exécution : 2e quart 19e siècle, Dijon : musée des beaux-arts, DG 421 ; 91 (DG 1976)

DELACROIX Eugène ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Trois têtes de lions, et une tête d'homme, Paris, musée du Louvre département des Arts graphiques, RF 9144, 22



DELACROIX Eugène ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Etude d'aprés le Christ à la paille de Rubens, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, RF 10484, recto

DELACROIX Eugène ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Etude d'enfant nu, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, RF 10173, recto

DELACROIX Eugène ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Etudes de femmes et de chevaux renversés, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, RF 11665, recto

DELACROIX Eugène ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Personnages et animaux d'après la Chute des Damnés, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, RF 10495, recto

DELACROIX Eugène ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Six études d'hommes nus d'après la Chute des Damnés, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, RF 10491, recto

DELACROIX Eugène ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Etudes de diverses figures, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, RF 22958, recto

DELACROIX Eugène ; RUBENS Peter Paulus (inspiré par), Etude de figures d'après une descente de croix, Paris ; musée du Louvre département des Arts graphiques, RF 11663, recto


Je passe maintenant à Rubens lui-même, quand même.

Peter Paul RUBENS, GENIE COURONNANT LA RELIGION, Paris, musée du Louvre département des Peintures, Numéro d'inventaire MI 969


Peter Paul RUBENS, ELEVATION DE LA CROIX, Paris, musée du Louvre, département des Peintures, Numéro d'inventaire          MI 964
Peter Paul RUBENS, HELENE FOURMENT (1614-1673), SECONDE FEMME DE RUBENS ET SES ENFANTS, Paris, musée du Louvre département des Peintures
RUBENS Peter Paul, IXION ROI DES LAPITHES TROMPE PAR JUNON, Paris ; musée du Louvre département des Peintures, RF 2121
RUBENS Peter Paul, L'EDUCATION DE MARIE DE MEDICIS, Paris ; musée du Louvre département des Peintures
RUBENS Peter Paul, LA DESCENTE DE CROIX, Lille ; musée des beaux-arts, P 74

Peter Paul RUBENS, CHASSE AU TIGRE, Rennes ; musée des beaux-arts, INV 811.1.10






Bon, j'arrête là parce que je n'ai pas que ça à faire... Il faudrait pour bien faire aussi reproduire des paysages de Rubens, et puis ses dessins, et puis...