samedi 5 mars 2011

La pragmatique inférentielle, un cours de Grégoire Winterstein

Un cours intéressant sur la pragmatique inférentielle.

Goethe et la weltliteratur, recueil de citations en anglais

Un truc à étudier un peu un jour : la naissance du concept de weltliteratur

Un article critique de Bruno Latour et Antoine Hennion à propos du texte de Benjamin sur l'oeuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique

Article de Bruno Latour et Antoine Hennion sur le site de Bruno Latour.

Critique qui en appel à " un nouvel examen matérialiste de l'oeuvre d'art à l'âge de sa reproductibilité technique".
Le principal reproche fait par les auteurs à Benjamin est de jouer sur les deux tableaux à la fois, ce qui expliquerait selon eux son pouvoir de séduction.

Rappel de l'organisation de l'article de Benjamin autour d'une dichtomie :
  • aura, singularité, concentration, contemplation
  • perte de l'aura, masse, distraction, immersion
Retour sur la notion d'aura, dont le statut est considéré comme "très ambivalent" par les auteurs de l'article :
  • dans le cadre de l'analyse du présent, "l'aura devient une sorte de Paradis perdu", permettant de condamner le présent.
  • lorsque B. examine le passé, la nostalgie de l'aura est dénoncée comme "une illusion, une relique, un résidu d'un culte sans valeur". (nostalgie analysée comme "une volonté bourgeoise réactionnaire de revenir à une conception élitiste qui a disparu de l’art.")
Les auteurs critiquent ici le "collage" fait entre art et religion. Ils reprochent à B. de vouloir gagner sur les deux tableaux : utiliser la modernité pour dénoncer la religion et user de la religion pour dénoncer la modernité.

" Réciproquement, la " désacralisation " de l’art que le modernisme est censé provoquer n’a aucun sens sacré : du moment qu’elle ne vise que la perte de sa valeur de fétiche, ce qui est supposé avoir été perdu n’avait pas de valeur sacrée — la religion a toujours professé que Dieu n’était pas dans l’image, mais au delà ou en deçà. Ou bien, deuxième solution, on met quelque chose de réel dans l’aura, et on dénonce le fétichisme moderne qui remplace Dieu par des idoles — mais pourquoi alors parler de cinéma, de nouvelles techniques, de masses ? On ne dit rien sur la modernité. "

Deuxième point de la critique de Latour et Hennion : la conception que se fait B. de la technique, définie comme reproduction mécanique d'un original.

" La technique n’est pas une reproduction mécanique. Il n’existe rien de tel qu’un original, qu’on pourrait ensuite recopier. Enfin, à moins qu’on ait déjà admis cette hypothèse comme un solide résultat empirique, la multiplication elle-même n’a aucune raison d’être assimilée à un appauvrissement."

Les auteurs développent une critique de la notion d'original qui serait ensuite reproduit. Par ailleurs, " la multiplication elle-même n’a aucune raison d’être assimilée à un appauvrissement".

Recours aux analyses de Haskell et Penny sur la formation du goût moderne pour l'antique. Lorsqu'on exhume les statues antiques en Italie, elles sont restaurées, déplacées, copiées, sans souci "archéologique" pour l'"original" - elles sont perçues non comme des objets distincts, produites par un artiste individualisé, mais comme les reflets d'une unique perfection antique et le moyen de relier présent et passé. "L’art est tout sauf un culte rendu à la pureté d’originaux : c’est un flux d’action". C'est finalement la copie qui produit l'original. Lente émergence de la notion d'original.

La notion d'authencité est donc "le sous-produit tardif d’une constante activité de reproduction, par tous les moyens techniques imaginables".
Pas d'opposition entre art et reproduction technique, l'art au contraire étant constamment obsédé par la question de ses moyens techniques. (exemple de la photographie, du cinéma, de la prise de son...). "La technique fut toujours le moyen actif de production des arts, et jamais la perversion moderne d’une création auparavant désincarnée".

Retour sur la notion de multiplication : c'est la multiplication, la reproduction de masse qui fait apparaître la notion d'oeuvre unique et fixe. Passage d'une situation où dominent "la répétition indéfinie, les standards, les canevas, les schémas et leurs variations" à la notion d'Urtext. Exemple de l'opéra (Rameau remaniant ses opéras à chaque nouvelle série de réprésentations). Rôle des éditeurs et de l'industrie musicale dans la fixation de l'oeuvre originale. Reprise de l'idée foucaldienne de la construction de l'idée d'auteur.

Exemple de l'imprimerie : c'est la reproduction mécanique standardisée du texte qui permet la multiplication de ses lectures.

Coeur de la critique de Benjamin : B. "veut lui (à la technique) redonner un rôle actif, tout en lui déniant toute activité propre."
Elargissement de la critique à l'Ecole de Francfort qui confondrait masses et foule, en les considérant comme dominées par la technique - double front : contre le capitalisme américain et contre le nazisme. "Leur crainte de la fusion incontrôlée et de l’immédiateté de la foule — ils avaient à l’époque de bonnes raisons d’avoir peur — les a conduits à confondre celle-ci avec la production technique et économique des masses."

"La technique ne supprime pas la distance, elle la crée. L’économie traite de la
production d’une consommation isolée, limitant à une transaction précise tant la
responsabilité de l’acheteur que celle de l’offreur . Elle ne concerne pas la fusion
totalitaire de chaque aspect de notre activité dans la foule immédiate que les
penseurs de Francfort ont prétendu révéler, comme si elle se dissimulait sous les
masses tranquilles regardant la télé et remplissant leurs caddies au supermarché…"






Anatomie de la collection d'art, Joseph Alsop - compte rendu d'Ernst Gombrich

Toujours dans le même ouvrage, le compte rendu d'un ouvrage de Joseph Alsop, The Rare Art Traditions : The History of Art Collecting and Its Linked Phenomena Wherever They Have Appeared (1982). (Réflexions sur l'histoire de l'art, p.285-304)

Thèse de l'ouvrage : l'attitude considérant la création artistique comme une activité dissociée de l'utilité pratique a eu pour premiers représentants des collectionneurs d'art - en arrière-plan, émergence de la différence entre l'artiste et l'artisan et le processus aboutissant à l'art pour l'art.

L'auteur la situe dans cinq traditions culturelles : le monde antique, la Chine et le Japon, la civilisation islamique, l'Europe depuis la Renaissance.

Distinction entre le collectionneur d'art et le mécène, qui reste dans une conception utilitaire de l'art.

Mise en place d'un "schéma de comportement" :
  1. la collection d'art
  2. l'histoire de l'art
  3. le marché de l'art
puis, secondairement,
  1. les musées d'art
  2. les contefaçons en art
  3. les réévaluations en art
  4. les antiquités
  5. les prix exorbitants
Plus loin, mise en rapport de l'émergence du sens de l'histoire à la Renaissance avec la pratique de la collection d'art.

jeudi 3 mars 2011

Quelques réflexions sur la peinture narrative, tirées de Réflexions sur l'histoire de l'art, d'Ernst Gombrich




Quelques pages lues dans Réflexions sur l'histoire de l'art, d'Ersnt Hans Gombrich (1987, traduction française 1992 chez Jacqueline Chambon), recueil de comptes rendus publiés par l'historien de l'art au cours de sa carrière.
Au chapitre 22, consacré à deux ouvrages sur la peinture victorienne, on trouve une opposition intéressante au sujet de la peinture narrative (p.263 et suivantes) :
entre la peinture narrative telle qu'elle existe au XIXe siècle et celle de la Renaissance.

- A la Renaissance, l'artiste n'attend pas que le " spectateur com
prenne d'un coup l'histoire à partir de l'image. Son savoir-faire et son inventivité résidaient dans le mode de présentation d'un épisode familier d'une façon inédite et convaincante." Et Gombrich met en parallèle le jugement porté sur ce type d'oeuvre avec la façon dont nous pouvons apprécier la mise en scène d'un classique : attendre l'artiste au tournant, voir comment il va s'y prendre pour régler telle ou telle difficulté.
- " A l'inverse les peintures narratives du XIXe siècle ont rarement trait à des histoires familières. Elles utilisent la peinture non pour interpréter mais pour exposer un épisode", objectif "qui exige des moyens très différents."
Reprenant sa comparaison, Gombrich dit qu'on passe maintenant à "un expert en pantomimes" ou à "un photographe de plateau".

Gombrich situe le tournant, i-e le moment où " le nouvel objectif fut pleinement proclamé et admis (...) avec les récits en images de William Hogarth dont le contenu renvoie à la vie moderne" au XVIIIe siècle.
" Dans le même temps, les peintres académiques se mettaient à rechercher de plus en plus des thèmes historiques et mythologiques qui fussent inédits et inhabituels."
Question du souci archéologique.

Gombrich revient ensuite à la peinture victorienne et après avoir examiné les oeuvres à contenu historique, il essaie de comprendre comment le spectateur réussit à reconstituer le récit des peintures à sujet contemporain, par exemple

- la toile de William Holman Hunt, l'Eveil de la conscience (The Awakening Conscience), 1853.


ou les Longues Fiançailles (The long engagement) d'Arthur Hughes