dimanche 30 octobre 2011

Léon Vandermeersch, L'art des jardins dans les pays sinisés : Chine, Japon, Corée, Vietnam

En passant, comme ça, sans aucun rapport avec les précédents articles, un article de Léon Vandermeersch autour de l'art des jardins, en introduction au numéro 22 d'Extrème-Orient/Extrème-Occident.


http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/oroc_0754-5010_2000_num_22_22_1111#


Je cite ci-dessous le début de cette introduction où l'auteur tente de définir la nature du jardin oriental :


Du jardin chinois, on pourrait plutôt dire qu'il est conçu comme trait d'union entre nature et culture : nature du paysage qui l'entoure, avec lequel il est toujours en continuité, et culture habitant les constructions qu'il encadre, ouvertes sur lui par maints élégants ajours qu'il imbibe de toutes ses perspectives. L'histoire des jardins d'Extrême-Orient est faite des variations de la manière dont, par capillarité en quelque sorte le long de ce trait d'union, la nature a pu diffuser dans la culture sinisée, et inversement cette culture dans la nature extrême-orientale. D'une part, les jardins extrême-orientaux, qu'il s'agisse de jardins taoïstes, de jardins bouddhistes, de jardins zen, de jardins impériaux ou de jardins lettrés, ont subtilement exalté la conscience du tianren heyi (天人合一), de la communion fusionnelle du ciel et de l'homme. D'autre part,  la pénétration de l'art des jardinistes des pays sinisés par la peinture, la calligraphie et la poésie - au lieu de la géométrie comme en Occident ainsi que, dans une moindre mesure, dans  l'Asie du Sud et du Sud- Est comme l'indique Jacques Dumarçay -, a imprégné la perception extrême-orientale de la nature d'une spiritualité qui sublime le moindre paysage aux dimensions du cosmos.




Une ou deux remarques à propos de tout ça :


- Sur la question de la présence de la géométrie dans les jardins d'Asie du Sud ou d'Inde, Nakumura Hajime, grand spécialiste japonais du bouddhisme - en particulier du bouddhisme indien des origines - remarquait l'opposition entre les étangs des jardins indiens et japonais représentant la Terre pure de l'ouest, c'est-à-dire le Paradis d'Amida (Amitâbha) : rectangulaires en Inde, ils ont une forme non-géométriques au Japon (par exemple, le jardin du Byôdôin à Uji, près de Kyôto) ; par contre, dans les mandalas (au Japon) qui représentent la Terre Pure, le Japon a gardé le modèle iconographique indien avec l'étang rectangulaire...


- Il faudrait sans doute nuancer d'ailleurs cette opposition entre un jardin occidental dominé par la géométrie et un jardin oriental pénétré par la poésie, la peinture, la calligraphie. La peinture, la poésie sont tout aussi consubstantielles aux jardins occidentaux mais probablement de façon assez différente. Des pistes : la poésie des jardins (Théophile de Viaux, "La Maison de Sylvie", La Fontaine, "le Sonde de Vaux"...), la présence de la poésie (ou de la culture classique) à travers la statuaire antique...





Victor Hugo, William Shakespeare, 1ère Partie, II, les génies, XII, Rabelais

L’autre, Rabelais, c’est la Gaule ; et qui dit la Gaule dit aussi la Grèce, car le sel attique et la bouffonnerie gauloise ont au fond la même saveur, et si quelque chose, édifices à part, ressemble au Pirée, c’est la Râpée. Aristophane trouve plus grand que lui ; Aristophane est méchant. Rabelais est bon. Rabelais défendrait Socrate. Dans l’ordre des hauts génies, Rabelais suit chronologiquement Dante ; après le front sévère, la face ricanante. Rabelais, c’est le masque formidable de la comédie antique détaché du proscenium grec, de bronze fait chair, désormais visage humain et vivant, resté énorme, et venant rire de nous chez nous et avec nous. Dante et Rabelais arrivent de l’école des cordeliers, comme plus tard Voltaire des jésuites ; Dante le deuil, Rabelais la parodie, Voltaire l’ironie ; cela sort de l’église contre l’église. Tout génie a son invention ou sa découverte ; Rabelais a fait cette trouvaille, le ventre. Le serpent est dans l’homme, c’est l’intestin. Il tente, trahit et punit. L’homme, être un comme esprit et complexe comme homme, a pour sa mission terrestre trois centres en lui : le cerveau, le cœur, le ventre ; chacun de ces centres est auguste par une grande fonction qui lui est propre : le cerveau a la pensée, le cœur a l’amour, le ventre a la paternité et la maternité. Le ventre peut être tragique. Feri ventrem, dit Agrippine. Catherine Sforce, menacée de la mort de ses enfants otages, se fit voir jusqu’au nombril sur le créneau de la citadelle de Rimini, et dit à l’ennemi : Voilà de quoi en faire d’autres. Dans une des convulsions épiques de Paris, une femme du peuple, debout sur une barricade, leva sa jupe, montra à l’armée son ventre nu et cria : Tuez vos mères. Les soldats trouèrent ce ventre de balles. Le ventre a son héroïsme ; mais c’est de lui pourtant que découlent, dans la vie la corruption et dans l’art la comédie. La poitrine où est le cœur a pour cap la tête ; lui, il a le phallus. Le ventre étant le centre de la matière est notre satisfaction et notre danger ; il contient l’appétit, la satiété et la pourriture. Les dévouements et les tendresses qui nous prennent là sont sujets à mourir ; l’égoïsme les remplace. Facilement les entrailles deviennent boyaux. Que l’hymne puisse s’aviner, que la strophe se déforme en couplet, c’est triste. Cela tient à la bête qui est dans l’homme. Le ventre est essentiellement cette bête. La dégradation semble être sa loi. L’échelle de la poésie sensuelle a, à son échelon d’en haut, le Cantique des Cantiques et, à son échelon d’en bas, la gaudriole. Le ventre dieu, c’est Silène ; le ventre empereur, c’est Vitellius ; le ventre animal, c’est le porc. Un de ces horribles Ptolémées s’appelait le Ventre, Physcon. Le ventre est pour l’humanité un poids redoutable ; il rompt à chaque instant l’équilibre entre l’âme et le corps. Il emplit l’histoire. Il est responsable presque de tous les crimes. Il est l’outre des vices. C’est lui qui par la volupté fait le sultan et par l’ébriété le czar. C’est lui qui montre à Tarquin le lit de Lucrèce ; c’est lui qui finit par faire délibérer sur la sauce d’un turbot ce sénat qui avait attendu Brennus et ébloui Jugurtha. C’est lui qui conseille au libertin ruiné César le passage du Rubicon. Passer le Rubicon, comme ça vous paye vos dettes ! passer le Rubicon, comme ça vous donne des femmes ! quels bons dîners après ! et les soldats romains, entrent dans Rome avec ce cri : Urbaniclaudite uxores ; mœchum calvum adducimus. L’appétit débauche l’intelligence. Volupté remplace volonté. Au début, comme toujours, il y a un peu de noblesse. C’est l’orgie. Il y a une nuance entre se griser et se soûler. Puis l’orgie dégénère en gueuleton. Où il y avait Salomon, il y a Ramponneau. L’homme est barrique. Un déluge intérieur d’idées ténébreuses submerge la pensée ; la conscience noyée ne peut plus faire signé à l’âme ivrogne. L’abrutissement est consommé. Ce n’est même plus cynique, c’est vide et bête. Diogène s’évanouit ; il ne reste plus que le tonneau. On commence par Alcibiade, on finit par Trimalcion. C’est complet. Plus rien, ni dignité, ni pudeur, ni honneur, ni vertu, ni esprit ; la jouissance animale toute crue, l’impureté toute pure. La pensée se dissout en assouvissement ; la consommation charnelle absorbe tout ; rien ne surnage de la grande créature souveraine habitée par l’âme ; qu’on nous passe le mot, le ventre mange l’homme. État final de toutes les sociétés où l’idéal s’éclipse. Cela passe pour prospérité et s’appelle s’arrondir. Quelquefois même les philosophes aident étourdiment à cet abaissement en mettant dans les doctrines le matérialisme qui est dans les consciences. Cette réduction de l’homme à la bête humaine est une grande misère. Son premier fruit est la turpitude visible partout sur tous les sommets, le juge vénal, le prêtre simoniaque, le soldat condottiere. Lois, mœurs et croyances sont fumier. Totus homo fit excrementum. Au seizième siècle, toutes les institutions du passé en sont là ; Rabelais s’empare de cette situation ; il la constate ; il prend acte de ce ventre qui est le monde. La civilisation, n’est plus qu’une masse, la science est matière, la religion a pris des flancs, la féodalité digère, la royauté est obèse ; qu’est-ce que Henri VIII ? une panse. Rome est une grosse vieille repue ; est-ce santé ? est-ce maladie ? C’est peut-être embonpoint, c’est peut-être hydropisie ; question. Rabelais, médecin et curé, tâte le pouls à la papauté. Il hoche la tête, et il éclate de rire. Est-ce parce qu’il a trouvé la vie ? non, c’est parce qu’il a senti la mort. Cela expire en effet. Pendant que Luther réforme, Rabelais bafoue. Lequel va le mieux au but ? Rabelais bafoue le moine, bafoue l’évêque, bafoue le pape ; rire fait d’un râle. Ce grelot sonne le tocsin. Eh bien, quoi ! J’ai cru que c’était une ripaille, c’est une agonie ; on peut se tromper de hoquet. Rions tout de même. La mort est à table. La dernière goutte trinque avec le dernier soupir. Une agonie en goguette ; c’est superbe. L’intestin colon est roi. Tout ce vieux monde festoie et crève. Et Rabelais intronise une dynastie de ventres : Grangousier, Pantagruel et Gargantua. Rabelais est l’Eschyle de la mangeaille ; ce qui est grand, quand on songe que manger c’est dévorer. Il y a du gouffre dans le goinfre. Mangez donc, maîtres, et buvez, et finissez. Vivre est une chanson dont mourir est le refrain. D’autres creusent sous le genre humain dépravé des cachots redoutables ; en fait de souterrain, ce grand Rabelais se contente de la cave. Cet univers que Dante mettait dans l’enfer, Rabelais le fait tenir dans une futaille. Son livre n’est pas autre chose. Les sept cercles d’Alighieri bondent et enserrent cette tonne prodigieuse. Regardez le dedans de la futaille monstre, vous les y revoyez. Dans Rabelais ils s’intitulent : Paresse, Orgueil, Envie, Avarice, Colère, Luxure, Gourmandise ; et c’est ainsi que tout à coup vous vous retrouvez avec le rieur redoutable, où ? dans l’église. Les sept péchés, c’est le prône de ce curé. Rabelais est prêtre ; correction bien ordonnée commence par soi-même ; c’est donc sur le clergé qu’il frappe d’abord. Ce que c’est qu’être de la maison ! La papauté meurt d’indigestion, Rabelais lui fait une farce. Farce de Titan. La joie pantagruélique n’est pas moins grandiose que la gaieté jupitérienne. Mâchoire contre mâchoire ; la mâchoire monarchique et sacerdotale mange ; la mâchoire rabelaisienne rit. Quiconque a lu Rabelais a devant les yeux à jamais cette confrontation sévère : le masque de la Théocratie regardé fixement par le masque de la Comédie.

Génie : prise de notes à partir de deux articles (2)

Prise de notes d'un second article consacré au génie, celui de l'Encyclopedia Universalis (Baldine Saint Girons),
article qui dispose le paysage du génie et de son évolution historique de manière assez différente de l'article précédent (celui du Dictionnaire du littéraire)

Début du XVIIIe siècle : le concept est réactivé

passage de la définition antique du génie comme "fureur démonique", "divine ardeur", "sublime folie"
à une description positive du genius, de ses causes et de sa nature.


1719 : abbé Dubos, "première tentative de physiologie" du génie, conçu comme une "facilité" naturelle pour apprendre et inventer.

Diderot

1757 : article génie dans l'Encyclopédie. "L'universalisation de la sensibilité, l'amplification de la mémoire et de l'imagination, l'exaspération de la vision engendrent chez lui le désir de "donner corps aux fantômes" qui le hantent."

Paradoxe sur le comédien (1773-77) : modification de la conception de Diderot :

  • la sensibilité apparaît "comme faiblesse d'organisation", "affaire d'âme et non de jugement"
Dans un texte de 1772,
  • le travail de sublimation de la sensibilité, de la fantaisie et de la vue : "envisagé sous une forme strictement négative" : "je ne sais quelle qualité d'âme particulière".
  • cependant, le génie est doté de "l'esprit d'observation", possédant 4 caractères, "spontanéité, divination, diversification, faillibilité."

Notion essentielle chez Diderot : "modèle idéal" (cf. Abbé Batteux : "Le génie ne doit pas imiter la nature telle qu'elle est"). Pour Diderot, "son rôle est de "saisir" et de "conserver" ces temps forts de la nature par lesquels, dans une improvisation heureuse, elle semble se dépasser elle-même."
""Ce n'est pas que la pure nature n'ait ses moments sublimes, mais, s'il est quelqu'un sûr de saisir et conserver leur sublimité, c'est celui qui les aura pressentis d'imagination ou de génie, et qui les rendra de sang-froid." (Paradoxe sur le comédien)
Le génie "échappe à toute comparaison pour devenir modèle en son genre."

Kant

Génie : "talent ou disposition innée par laquelle la nature donne des règles à l'art". L'ingenium du génie ne ressemblant à aucun autre, "il devient par là même source d'une nouvelle mesure pour le jugement."
"Mais, si le génie donne ses règles à l'art, il le fait en tant que nature, c'est-à-dire sans passer par l'intermédiaire de la catégorie comme source de détermination."

Sa fantaisie "court d'un bout à l'autre de l'univers pour rassembler les idées qui lui appartiennent."
Cf. Hume pour le génie n'est qu' "une "faculté magique de l'âme", qui soumet "d'un coup" le monde des idées à sa vue."

Kant conclut finalement à la prévalence du goût sur le génie : "Si donc, en un conflit opposant ces deux qualités, quelque chose doit être sacrifié dans une oeuvre, cela devrait plutôt concerner ce qu'il y a de génial ; et la faculté de juger (...) permettra plutôt qu'on porte quelque préjudice à la liberté et à la richesse de l'imagination qu'à l'entendement."

Ensuite Schopenhauer, Nietzsche, Freud

Baldine Saint Girons note que "toute apolégétique du génie doit donc s'accompagner d'une théorie économique des gains et des pertes."
Ainsi, Schopenhauer : "affirmant le primat de la connaissance intuitive sur la connaissance discursive, est contraint d'élaborer les concepts d'"excédent de force", d'"anormalité", de "faculté contre nature".
Manque comme caractéristique du génie - volonté de création et création. Caractère "tyrannisant" du génie, parenté avec l'instinct, au-delà du bien et du mal. Lien avec la théorie des pulsions
Pour Baldine Saint Girons, "le propre du génie serait de parvenir à affirmer "un" génie en orientant dans une même direction les forces pulsionnelles démoniaques entre lesquelles toute subjectivité se trouve écartelée."








Victor Hugo, William Shakespeare (1864), Livre II, Les Génies, II


L’art suprême est la région des Égaux.
Le chef-d’œuvre est adéquat au chef-d’œuvre.
Comme l’eau qui, chauffée à cent degrés, n’est plus capable d’augmentation calorique et ne peut s’élever plus haut, la pensée humaine atteint dans certains hommes sa complète intensité. Eschyle, Job, Phidias, Isaïe, saint Paul, Juvénal, Dante, Michel-Ange, Rabelais, Cervantes, Shakespeare, Rembrandt, Beethoven, quelques autres encore, marquent les cent degrés du génie.
L’esprit humain a une cime.
Cette cime est l’idéal.
Dieu y descend, l’homme y monte.
Dans chaque siècle, trois ou quatre génies entreprennent cette ascension. D’en bas, on les suit des yeux. Ces hommes gravissent la montagne, entrent dans la nuée, disparaissent, reparaissent. On les épie, on les observe. Ils côtoient les précipices ; un faux pas ne déplairait point à certains spectateurs. Les aventuriers poursuivent leur chemin. Les voilà haut, les voilà loin ; ce ne sont plus que des points noirs. Comme ils sont petits ! dit la foule. Ce sont des géants. Ils vont. La route est âpre. L’escarpement se défend. A chaque pas un mur, à chaque pas un piège. A mesure qu’on s’élève, le froid augmente. Il faut se faire son escalier, couper la glace et marcher dessus, se tailler des degrés dans la haine. Toutes les tempêtes font rage. Cependant ces insensés cheminent. L’air n’est plus respirable. Le gouffre se multiplie autour d’eux. Quelques-uns tombent. C’est bien fait. D’autres s’arrêtent et redescendent ; il y a de sombres lassitudes. Les intrépides continuent ; les prédestinés persistent. La pente redoutable croule sous eux et tâche de les entraîner ; la gloire est traître. Ils sont regardés par les aigles, ils sont tâtés par les éclairs ; l’ouragan est furieux. N’importe, ils s’obstinent. Ils montent. Celui qui arrive au sommet est ton égal, Homère.
Ces noms que nous venons de dire, et ceux que nous aurions pu ajouter, redites-les. Choisir entre ces hommes, impossible. Nul moyen de faire pencher la balance entre Rembrandt et Michel-Ange.
Et, pour nous enfermer seulement dans les écrivains et les poètes, examinez-les l’un après l’autre. Lequel est le plus grand ? Tous.

Article Génie, Encyclopédie

Article "génie" dans l'Encyclopédie, Diderot et Saint-Lambert, 1757.
article en ligne :

Sur le site de l'ATILF

http://portail.atilf.fr/cgi-bin/getobject_?a.52:145:1./var/artfla/encyclopedie/textdata/IMAGE/

Sur Wikisource :

http://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Encyclop%C3%A9die/Volume_7#G.C3.89NIE

Sur le site de l'Université de Chicago (la meilleure version, avec le moins de coquilles)

http://artflx.uchicago.edu/cgi-bin/philologic/getobject.pl?c.6:911:1.encyclopedie0311

Plan général :

- définition générale du génie.
- le génie dans les arts
- le génie en philosophie
- le génie dans le gouvernement des affaires humaines

Le génie dans les arts 

L'article commence par définir l'homme de génie en l'opposant au commun des hommes, par une différence de degré : "l'étendue de l'esprit, la force de l'imagination, et l'activité de l'âme, voilà le génie."

  • L'imagination dans ce dispositif joue un rôle central et fondamental. 
  • Examen des différentes manifestations du génie : le sublime, le génie et grâce, génie et comique, 
  • Opposition entre génie et goût : le génie transgresse les règles du goût.



Génie (Page 7:582)

Génie, (Philosophie & Littér.) L'étendue de l'esprit, la force de l'imagination, & l'activité de l'ame, voilà le génie. De la maniere dont on reçoit ses idées dépend celle dont on se les rappelle. L'homme jetté dans l'univers reçoit avec des sensations plus ou moins vives, les idées de tous les êtres. La plûpart des hommes n'éprouvent de sensations vives que par l'impression des objets qui ont un rapport immédiat à leurs besoins, à leur goût, &c. Tout ce qui est étranger à leurs passions, tout ce qui est sans analogie à leur maniere d'exister, ou n'est point apperçû par eux, ou n'en est vû qu'un instant sans être senti, & pour être à jamais oublié.

L'homme de génie est celui dont l'ame plus étendue frappée par les sensations de tous les êtres, intéressée à tout ce qui est dans la nature, ne reçoit pas une idée qu'elle n'éveille un sentiment, tout l'anime & tout s'y conserve.

Lorsque l'ame a été affectée par l'objet même, elle l'est encore par le souvenir; mais dans l'homme de génie, l'imagination va plus loin; il se rappelle des idées avec un sentiment plus vif qu'il ne les a reçûes, parce qu'à ces idées mille autres se lient, plus propres à faire naître le sentiment.

Le génie entouré des objets dont il s'occupe ne se souvient pas, il voit; il ne se borne pas à voir, il est ému : dans le silence & l'obscurité du cabinet, il joüit de cette campagne riante & féconde; il est glacé par le sifflement des vents; il est brûlé par le soleil; il est effrayé des tempêtes. L'ame se plaît souvent dans ces affections momentanées ; elles lui donnent un plaisir qui lui est précieux ; elle se livre à tout ce qui peut l'augmenter ; elle voudroit par des couleurs vraies, par des traits ineffaçables, donner un corps aux phantômes qui sont son ouvrage, qui la transportent ou qui l'amusent.

Veut-elle peindre quelques-uns de ces objets qui viennent l'agiter ? tantôt les êtres se dépouillent de leurs imperfections ; il ne se place dans ses tableaux que le sublime, l'agréable ; alors le génie peint en beau : tantôt elle ne voit dans les évenemens les plus tragiques que les circonstances les plus terribles ; & le génie répand dans ce moment les couleurs les plus sombres, les expressions énergiques de la plainte & de la douleur ; il anime la matiere, il colore la pensée : dans la chaleur de l'enthousiasme, il ne dispose ni de la nature ni de la suite de ses idées ; il est transporté dans la situation des personnages qu'il fait agir ; il a pris leur caractere : s'il éprouve dans le plus haut degré les passions héroïques, telles que la confiance d'une grande ame que le sentiment de ses forces éleve au - dessus de tout danger, telles que l'amour de la patrie porté jusqu'à l'oubli de soi - même, il produit le sublime, le moi de Médée, le qu'il mourût du vieil Horace, le je suis consul de Rome de Brutus : transporté par d'autres passions, il fait dire à Hermione, qui te l'a dit? à Orosmane, j'étois aimé ; à Thieste, je reconnois mon frere.
Cette force de l'enthousiasme inspire le mot propre quand il a de l'énergie ; souvent elle le fait sacrifier à des figures hardies ; elle inspire l'harmonie imitative, les images de toute espece, les signes les plus sensibles, & les sons imitateurs, comme les mots qui caractérisent.

L'imagination prend des formes différentes ; elle les emprunte des différentes qualités qui forment le caractere de l'ame. Quelques passions, la diversité des circonstances, certaines qualités de l'esprit, donnent un tour particulier à l'imagination ; elle ne se rappelle pas avec sentiment toutes ses idées, parce qu'il n'y a pas toûjours des rapports entre elle & les êtres.

Le génie n'est pas toûjours génie ; quelquefois il est plus aimable que sublime ; il sent & peint moins dans les objets le beau que le gracieux; il éprouve & fait moins éprouver des transports qu'une donce émotion.

Quelquefois dans l'homme de génie l'imagination est gaie ; elle s'occupe des legeres imperfections les hommes, des fautes & des folies ordinaires ; le contraire de l'ordre n'est pour elle que ridicule, mais d'une maniere si nouvelle, qu'il semble que ce soit le coup - d'oeil de l'homme de génie qui ait mis dans l'objet le ridicule qu'il ne fait qu'y découvrir: l'imagination gaie d'ungénie étendu, aggrandit le champ du ridicule; & tandis que le vulgaire le voit & le sent dans ce qui choque les usages établis, le génie le découvre & le sent dans ce qui blesse l'ordre universel.

Le goût est souvent séparé du génie. Le génie est un pur don de la nature ; ce qu'il produit est l'ouvrage d'un moment ; le goût est l'ouvrage de l'étude & du tems ; il tient à la connoissance d'une multitude de regles ou établies ou supposées ; il fait produire des beautés qui ne sont que de convention. Pour qu'une chose soit belle selon les regles du goût, il faut qu'elle soit élégante, finie, travaillée sans le paroître : pour être de génie il faut quelquefois qu'elle soit négligée; qu'elle ait l'air irrégulier, escarpé, sauvage. Le sublime & le génie brillent dans Shakespear comme des éclairs dans une longue nuit, & Racine est toûjours beau : Homere est plein de génie, & Virgile d'elégance.

Les regles & les lois du goût donneroient des entraves au génie ; il les brise pour voler au sublime, au pathétique, au grand. L'amour de ce beau éternel qui caractérise la nature ; la passion de conformer ses tableaux à je ne sais quel modele qu'il a créé, & d'après lequel il a les idées & les sentimens du beau, sont le goût de l'homme de génie. Le besoin d'exprimer les passions qui l'agitent, est continuellement gêné par la Grammaire & par l'usage: souvent l'idiome dans lequel il écrit se refuse à l'expression d'une image qui seroit sublime dans un autre idiome. Homere ne pouvoit trouver dans un seul dialecte les expressions nécessaires à son génie; Milton viole à chaque instant les regles de sa langue, & va chercher des expressions énergiques dans trois ou quatre idiomes différens. Enfin la force & l'abondance, je ne sais quelle rudesse, l'irrégularité, le sublime, le pathétique, voilà dans les arts le caractere du génie ; il ne touche pas foiblement, il ne plait pas sans étonner, il étonne encore par ses fautes.

Dans la Philosophie, où il faut peut-être toûjours une attention scrupuleuse, une timidité, une habitude de réflexion qui ne s'accordent guere avec la chaleur de l'imagination, & moins encore avec la confiance que donne le génie, sa marche est distinguée comme dans les arts; il y répand fréquemment de brillantes erreurs; ii y a quelquefois de grands succès. Il faut dans la Philosophie chercher le vrai avec ardeur & l'espérer avec patience. Il faut des hommes qui puissent disposer de l'ordre & de la suite de leurs idées; en suivre la chaîne pour conclure, ou l'imerrompre pour douter : il faut de la recherche, de la discussion, de la lenteur; & on n'a ces qualités ni dans le tumulte des passions, ni avec les fougues de l'imagination. Elles sont le partage de l'esprit étendu, maître de lui-même; qui ne reçoit point une perception sans la comparer avec une perception ; qui cherche ce que divers objets ont de commun & ce qui les distingue entre eux; qui pour rapprocher des idées éloignées, fait parcourir pas à-pas un long intervalle ; qui pour saisir les liaisons singulieres, délicates, fugitives de quelques idées voisines, ou leur opposition & leur contraste, sait tirer un objet particulier de la foule des objets de même espece ou d'espece différente, poser le microscope sur un point imperceptible ; & ne croit avoir bien vû qu'après avoir regardé long-tems. Ce sont ces hommes qui vont d'observations en observations à de justes conséquences, & ne trouvent que des analogies naturelles: la curiosité est leur mobile; l'amour du vrai est leur passion; le desir de le découvrir est en eux une volonté permanente qui les anime sans les échauffer, & qui conduit leur marche que l'expérieace doit assûrer.

Le genie est frappé de tout ; & dès qu'il n'est point livré à ses pensées & subjugué par l'enthousiasme, il étudie, pour ainsi dire, sans s'en appercevoir ; il est forcé par les impressions que les objets sont sur lui, à s'enrichir sans cesse de connoissances qui ne lui ont rien coûté; il jette sur la nature des coups-d'oeil généraux & perce ses abîmes. Il recueille dans son sein des germes qui y entrent imperceptiblement, & qui produisent dans le tems des effets si surprenans, qu'il est lui-même tenté de se croire inspiré: il a pourtant le goût de l'observation ; mais il observe rapidement un grand espace, une multitude d'êtres.

Le mouvement, qui est son état naturel, est quelquefois si doux qu'à peine il l'apperçoit : mais le plus souvent ce mouvement excite des tempêtes, & le génie est plûtôt emporté par un torrent d'idées, qu'il ne suit librement de tranquilles réflexions. Dans l'homme que l'imagination domine, les idées se lient par les circonstances & par le sentiment : il ne voit souvent des idées abstraites que dans leur rapport avec les idées sensibles. Il donne aux abstractions une existence indépendante de l'esprit qui les a faites; il réalise ses fantômes, son enthousiasme augmente au spectacle de ses créations, c'est-à-dire de ses nouvelles combinaisons, seules créations de l'homme : emporté par la foule de ses pensées, livré à la facilité de les combiner, forcé de produire, il trouve mille preuves spécieuses, & ne peut s'assûrer d'une seule ; il coustruit des édifices hardis que la raison n'oseroit habiter, & qui lui plaisent par leurs proportions & non par leur solidité ; il admire ses systèmes comme il admireroit le plan d'un poëme ; & il les adopte comme beaux, en croyant les aimer comme vrais.

Le vrai ou le faux dans les productions philosophiques, ne sont point les caracteres distinctifs du génie.

Il y bien peu d'erreurs dans Locke & trop peu de vérités dans milord Shafsterbury : le premier cependant n'est qu'un esprit étendu, pénétrant, & juste ; & le second est un génie du premier ordre. Locke a vû ; Shafsterbury a créé, construit, édifié : nous devons à Locke de grandes vérités froidement apperçûes, méthodiquement suivies, séchement annoncées ; & à Shafsterbury des systèmes brillans souvent peu fondés, pleins pourtant de vérités sublimes ; & dans ses momens d'erreur, il plaît & persuade encore par les charmes de son éloquence.
Le génie hâte cependant les progrès de la Philosophie par les découvertes les plus heureuses & les moins attendues : il s'éleve d'un vol d'aigle vers une vérité lumineuse, source de mille vérités auxquelles parviendra dans la suite en rampant la foule timide des sages observateurs. Mais à côté de cette vérité lumineuse, il placera les ouvrages de son imagination : incapable de marcher dans la carriere, & de parcourir successivement les intervalles, il part d'un point & s'élance vers le but ; il tire un principe fécond des ténebres ; il est rare qu'il suive la chaîne des conséquences ; il est prime-sautier, pour me servir de l'expression de Montagne. Il imagine plus qu'il n'a vû ; il produit plus qu'il ne découvre ; il entraîne plus qu'il ne conduit : il anima les Platon, les Descartes, les Malebranche, les Bacon, les Leibnitz ; & selon le plus ou le moins que l'imagination domina dans ces grands hommes, il fit éclorre des systèmes brillans, ou découvrir de grandes vérités.

Dans les sciences immenses & non encore approfondies du gouvernement, le génie a son caractere & ses effets aussi faciles à reconnoître que dans les Arts & dans la Philosophie : mais je doute que le génie, qui a si souvent pénétré de quelle maniere les hommes dans certains tems devoient être conduits, soit lui même propre à les conduire. Certaines qualités de l'esprit, comme certaines qualités du coeur, tiennent à d'autres, en excluent d'autres. Tout dans les plus grands hommes annonce des inconvéniens ou des bornes.

Le sang froid, cette qualité si nécessaire à ceux qui gouvernent, sans lequel on feroit rarement une application juste des moyens aux circonstances, sans lequel on seroit sujet aux inconséquences, sans lequel on manqueroit de la présence d'esprit; le sang froid qui soumet l'activité de l'ame à la raison, & qui préserve dans tous les évenemens, de la crainte, de l'yvresse, de la précipitation, n'est-il pas une qualité qui ne peut exister dans les hommes que l'imagination maîtrise ? cette qualité n'est-elle pas absolument opposée au génie ? Il a sa source dans une extrème sensibilité qui le rend susceptible d'une foule d'impressions nouvelles par lesquelles il peut être détourné du dessein principal, contraint de manquer au secret, de sortir des lois de la raison, & de perdre par l'inégalité de la conduite, l'ascendant qu'il auroit pris par la supériorité des lumieres. Les hommes de génie forcés de sentir, décidés par leurs goûts, par leurs répugnances, distraits par mille objets, devinant trop, prévoyant peu, portant à l'excès leurs desirs, leurs espérances, ajoûtant ou retranchant sans cesse à la réalité des êtres, me paroissent plus faits pour renverser ou pour fonder les états que pour les maintenir, & pour rétablir l'ordre que pour le suivre.

Le génie dans les affaires n'est pas plus captivé par les circonstances, par les lois & par les usages, qu'il ne l'est dans les Beaux-Arts par les regles du goût, & dans la Philosophie par la méthode. Il y a des momens où il sauve sa patrie, qu'il perdroit dans la suite s'il y conservoit du pouvoir. Les systèmes sont plus dangereux en Politique qu'en Philosophie: l'imagination qui égare le philosophe ne lui fait faire que des erreurs; l'imagination qui égare l'homme d'état lui fait faire des fautes & le malheur des hommes.

Qu'à la guerre donc & dans le conseil le génie semblable à la divinité parcoure d'un coup d'oeil la multitude des possibles, voye le mieux & l'exécute; mais qu'il ne manie pas long - tems les affaires où il faut attention, combinaisons, persévérance: qu'Alexandre & Condé soient maîtres des évenemens, & paroissent inspirés le jour d'une bataille, dans ces instans où manque le tems de délibérer, & où il faut que la premiere des pensées soit la meilleure; qu'ils décident dans ces momens où il faut voir d'un coup - d'oeil les rapports d'une position & d'un mouvement avec ses forces, celles de son ennemi, & le but qu'on se propose: mais que Turenne & Marlborough leur soient préférés quand il faudra diriger les opérations d'une campagne entiere.

Dans les Arts, dans les Sciences, dans les affaires, le génie semble changer la nature des choses ; son caractere se répand sur tout ce qu'il touche ; & ses lumieres s'élançant au-delà du passé & du présent, éclairent l'avenir : il dévance son siecle qui ne peut le suivre ; il laisse loin de lui l'esprit qui le critique avec raison, mais qui dans sa marche égale ne sort jamais de l'uniformité de la nature. Il est mieux senti que connu par l'homme qui veu; le définir : ce seroit à lui-même à parler de lui; & cet article que je n'aurois pas dû faire, devroit être l'ouvrage d'un de ces hommes extraordinaires qui honore ce siecle, & qui pour connoître le génie n'auroit eu qu'à regarder en lui-même.

Génie : prise de notes à partir de deux articles (1)

Prise de notes :

Le dictionnaire du littéraire, sous la direction d'Alain Viala, Denis Saint-Jacques et de Paul Aron (PUF, 2002)

Article "génie" (José-Luis Diaz)

double définition :
1) "force créatrice de l'écrivain ou de l'artiste, surtout quand elle est extraordinaire"
2) par métonymie, l'artiste lui-même.

Evolution de la notion :
double étymologie :

  • "forces démoniques" (genius)
  • intelligence organisatrice (ingenium)
Au XVIIe siècle, le "génie" désigne la nature propre de chaque artiste que celui doit connaître afin de ne pas s'égarer sur ses capacités. "Loin de rendre hommage aux pouvoirs illimités de l'esprit, on raisonnait en termes de limites "génériques" à ne pas excéder."

Au XVIIIe siècle, trois conceptions coexistent :
  1. au début du siècle (les philosophes "beaux esprits" - de La Mothe, Dubos) le génie est conçu comme "une grande agilité intellectuelle".
  2. A l'âge encyclopédique (1750-75), "énergie d'invention donnée par la nature à l'homme sensible". Article "Génie" dans l'Encyclopédie (1757)
  3. A l'âge préromantique, "la notion se charge de sacralité, désigne un être exceptionnel tant par ses dons de création que par les malheurs que ce don, incompris par ses contemporains ordinaires, lui vaut.
- Au XVIIe et durant le 1er XVIIIe, le génie est affaire de "tempérament"; "toutes les facultés intellectuelles étaient censées y participer" (...) "pas seulement l'imagination." Il se définit comme une "combinatoire apte à saisir les rapports inaperçus du commun des mortels".

- Avec les années 1760, rupture : 
le génie s'oppose à l'esprit, au talent, au goût. Le génie se définit comme un individu "exceptionnel sur lequel les événements du monde laissent une empreinte plus profonde". "Expérience existentielle despotique qui engage l'homme sensible tout entier."

- Age préromantique : insistance sur la pathologie et le désordre lié au génie. 

Variations de l'âge romantique :
  • topos du lien du génie et de la mélancolie.
  • Hugo, William Shakespeare (1864), le génie devient un être "responsable et paternellement secourable, il est un être d'outrance et d'intempérance, un "franchisseur de limites", météore ou comète."
Réaction de la génération suivante (Renan, Flaubert, Proudhon) : 
  • Renan, refus de l'individualisme supposé par la notion.
  • Flaubert, Dictionnaire des idées reçues : "Inutile de l'admirer, c'est une névrose."
Aujourd'hui, épuisement de la notion, absente de la réflexion théorique mais toujours présente dans la pensée commune. 
Notion qui tente de rendre compte du "mystère" de la création artistique - de façon équivalente, à l'époque romantique, de la notion de "fureur" et d'"enthousiasme" à l'époque ancienne.

Refus de la notion aux époques rationalistes :
  • époque classique de Boileau et Malherbe
  • post-romantisme : Flaubert citant Buffon : "le génie, c'est la patience"
Valéry : "La manie du "Génie". Erreur, ravages et destructions, stupidités et gâchage dus à l'idée du génie tel que le XVIIIe siècle et les romantiques l'ont forgée. Le delirium. Le prophétisme. L'incohérence divinisée. (...) Le trucage du hasard. (...) le désir d'avoir du génie pousse à la recherche mécanique de paraître en avoir." (Cahiers, 1915-1016)




vendredi 28 octobre 2011

Encore sur le MET, une page autour de Jean de Berry

Sur le site très bien fait du Metropolitan Museum of Art, une page sur Jean de Berry (1340-1416), fils de Jean le Bon, frère de Charles V, Louis d'Anjou et de Philippe le Hardi, Duc de Bourgogne, régent de France durant la minorité de Charles VI et pendant sa folie, figure majeure du mécénat au XIVe siècle.

http://www.metmuseum.org/toah/hd/berr/hd_berr.htm


Portrait de Jean de Berry dans les Très riches Heures des frères de Limbourg (Musée Condé,  Chantilly)


mardi 25 octobre 2011

Jean Pucelle, enluminures des Miracles de Notre-Dame de Gautier de Coincy

Sur Gallica, la reproduction de l'ensemble du très beau manuscrit des Miracles de Notre-Dame de Gautier de Coincy (1178-1236), enluminé par Jean Pucelle (vers 1330) (NAF 24541)
ark:/12148/btv1b6000451c
 Gautier de Coincy était un des tout premiers trouvères ; il laisse derrière lui une oeuvre d'environ 30 000 vers :
  • Les Miracles de Nostre Dame, édition préparée par Frédéric Kœnig, 4 volumes, Droz, Genève, 1966-1970
  • Le texte des Miracles de Nostre-Dame est accessible sur google books, dans une édition ancienne (1857)
  • Le Miracle de Théophile, ou comment Théophile vint à la pénitence, texte, traduction et notes par Annette Garnier, édition bilingue, Honoré Champion, Paris, 1998.
  • Les Chansons à la Vierge, édition critique par Jacques Chailley, Heugel, Paris, 1959.
  • La Vie de sainte Cristine, édition critique par Olivier Collet, Droz, Genève, 1999

Je cite la notice sur Gallica :
"Exemplaire exécuté pour un membre de la famille royale. Une grande peinture à pleine page (f. Av) et soixante-dix-sept petites peintures. Initiales sur fond d'or. Rubriques, manchettes. Réclames. Ce manuscrit appartint à Jean II le Bon qui le perdit avec ses bagages dans la déroute de Poitiers. Charles V le racheta aux Anglais et le plaça dans sa librairie. Charles le donna à Jean, duc de Berri. Le 2 octobre 1635, il fut offert à Henriette de Lorraine qui mourut en 1669, abbesse de Notre-Dame de Soissons. On ignore comment il sortit de cette abbaye au début de la Révolution, pour entrer un peu plus tard dans la bibliothèque du Grand Séminaire de Soissons."

Dans un compte-rendu de séance de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de 1867, l'histoire du manuscrit.

Je reproduis ci-dessous le feuillet AV qui ouvre le manuscrit (j'ai par ailleurs enfin découvert le zoom sur Gallica : Très bien ! La BNF offre finalement maintenant de très bonnes et très belles à travers Gallica... On peut enfin parcourir avec plaisir les manuscrits. Plus rapide à charger sur google chrome que sur firefox, un peu lent...).


Le feuillet 37c
Le zoom






lundi 24 octobre 2011

Jean Pucelle, Le Bréviaire de Belleville

Sur Mandragore, le site de numérisation des manuscrits de la BNF,
une partie du Bréviaire de Belleville enluminé par Jean Pucelle.

http://mandragore.bnf.fr/jsp/rechercheExperte.jsp



La qualité des reproductions est particulèrement décevante.


Latin 10484, fol. 12v, Allégorie du Désespoir

samedi 22 octobre 2011

BNF, le manuscrit de L'Histoire ancienne, Wauchier de Denain

Découvert par hasard, le manuscrit de l'Histoire ancienne (1213-14), parfois attribuée à Wauchier de Denain, clerc à qui on attribue la deuxième continuation du Conte du Gral de Chrétien de Troyes.

 Wauchier de Denain , Histoire ancienneBibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Français 1386


Voici quelques enluminures extraites du manuscrit :


folio 16

folio 22

folio 50



folio 56



Un très beau blog du MET : The art of illumination

Un très beau blog fait par le Metropolitan Art Museum à l'occasion de l'exposition The art of Illumination : The Limbourg Brothers and the Belles Heures of Jean de France, Duc de Berry.

http://blog.metmuseum.org/artofillumination/


Belles Heures of Jean de France, duc de Berry, 1405–1408/9. Herman, Paul, and Jean de

 Limbourg (Franco-Netherlandish, active in France by 1399–1416). French; Made in Paris.

 Ink, tempera, and gold leaf on vellum; 9 3/8 x 6 5/8 in. (23.8 x 16.8 cm). The Metropolitan

 Museum of Art, New York, The Cloisters Collection, 1954 (54.1.1).



Guillaume de Machaut, Les manuscrits de la Bibliothèque de France

Dans le catalogue numérique de la BNF, Gallica, plusieurs manuscrits du poète et musicien Guillaume de Machaut (1300-1377).


Tout d'abord, le manuscrit le plus célèbre sans doute, dont les enluminures du prologue sont souvent reprises.

Les Poésies de Guillaume de Machaut, Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Français 1584
La notice de ce manuscrit sur Mandragore, le site de la BNF dédié à la numérisation des manuscrits. Le manuscrit daterait de 1372-77, c'est-à-dire de la fin de la vie de Machaut.




Description du manuscrit (BNF) :


Commençant par « Je suy Amours, qui meint cuer esbaudi Et fai mener douce et joieuse vie... » et finissant par « De fin cuer vray De tout sui si confortée etc. » 


Comprenant : 
« Le Dit dou vergier », — 
« Le Jugement dou roy de Behaingne » (fol. 9), — 
« Le Jugement dou roy de Navarre » (fol. 22), — 
« Remede de Fortune » (fol. 49), — 
« Le Dit dou lyon » (fol. 80), — 
« Le Dit de l'alerion » (fol. 96), — 
« Confort d'amy » (fol. 127), — 
« La Fonteinne amoureuse » (fol. 154), — 
« Le Dit de la harpe » (fol. 174), — 
« Balades où il n'a point de chant » (fol. 177), —
« Le Dit de la marguerite » (fol. 213), — 
« Les Complaintes » (fol. 214), — 
« Le Livre dou voir dit » (fol. 221), — 
« Le Livre de la prise d'Alixandre » (fol. 309), —
 « Le Dit de la rose » (fol. 365), — 
« Les Biens que ma dame me fait » (fol. 366), — 
« Les Lays » (fol. 367), — 
« Les Motés » (fol. 414), — 
« La Messe » (fol. 438), — 
« Balades » (fol. 454), — 
« Rondeaux » (fol. 476), — 
« Chansons baladées » (fol. 482)



feuillet 7


Français 1584, fol. D, Machaut et Amour





Feuillet 8
Français 1584, fol. E, Machaut et Nature




Feuillet 25


Feuillet 51




Feuillet 9



Feuillet 9







vendredi 21 octobre 2011

Numérisation des manuscrits du Roman de la rose

Découvert ce soir, un peu par hasard, un très beau site autour du Roman de la rose et de la numérisation de quelques 130 manuscrits sur les plus de 250 conservées selon le chiffre donné par Daniel Poirion dans l'article de l'Encyclopédie Universalis- voire 300 si on s'appuie sur celui donné par Emmanuèle Baumgartner, dans l'EU, et Béatrice Radden Keefe, sur le site dans une page très intéressante consacrée aux manuscrits de ce roman. Le Roman de la rose ayant été une des oeuvres les plus copiées du Moyen-Âge. Le site est accueilli par Johns Hopkins University.


Un site de l'Université de Chicago, Rose and Chess, consacré à un manuscrit médiéval des années 1365, réunissant Le Roman de la Rose et Le Jeu des échecs moralisé.




La numérisation du manuscrit 12595 de la BNF.


La numérisation du manuscrit conservé à l'Assemblée nationale.


Sur Gallica même, le manuscrit  Ms 1126-1127 



le folio 11


le folio 60

Trouvé sur l'excellent site de numérisation des manuscrits suisses.