lundi 17 octobre 2011

Pline le jeune, Phidias et Praxitèle




[6] Phidias eut aussi pour élève Agoracrite de Paros, qu'il aima à cause de sa jeunesse: c'est pourquoi on prétend qu'il mit plusieurs de ses propres ouvrages sous le nom de son élève. Les deux élèves concoururent ensemble pour une Vénus; et Alcamène l'emporta, non par la supériorité de son oeuvre, mais par le suffrage de la ville, qui prit parti pour le concitoyen contre un étranger. Aussi dit-on qu'Agoracrite vendit sa figure sous condition qu'elle ne serait pas à Athènes, et qu'il la nomma Némésis; elle fut placée à Rhamnonte (IV, 11), canton de l'Attique, et M. Varron a donné la préférence à cette statue sur toutes les autres. On voit encore dans la même ville, au temple de la Grande Mère, un ouvrage d'Agoracrite.
[7] Chez tous les peuples auxquels est arrivée la renommée du Jupiter Olympien, Phidias (XXXIV, 19 ) est sans contestation un très illustre artiste. Mais, pour que ceux-là même qui n'ont pas vu ses ouvrages sachent qu'à raison il est loué, nous citerons de petites particularités qui montrent seulement combien il était ingénieux. Nous n'invoquerons pour cela ni la beauté du Jupiter Olympien, ni la grandeur de sa Minerve d'Athènes, qui a vingt-six coudées et qui est d'ivoire et d'or; mais sur la face convexe du bouclier de la déesse il a gravé le combat des Amazones; sur la partie concave de ce même bouclier, la bataille des dieux et des géants; sur les semelles, celle des Lapithes et des Centaures: tant avec lui l'art se logeait dans les plus petits espaces.
[8] Il a nommé naissance de Pandore ce qu'il a gravé sur la base. Là sont vingt dieux naissants; la Victoire surtout est admirable. Les connaisseurs admirent aussi le serpent, et, sous la lance même, le sphinx d'airain. Cela soit dit en passant d'un artiste qui n'est jamais assez loué; cela soit dit aussi pour faire connaître que cette richesse de génie fut égale jusque dans les petites choses.
[9] En parlant des statuaires nous avons indiqué l'époque de Praxitèle (XXXIV, 19) qui, par la gloire de ces ouvrages de marbre, a surpassé jus-qu'à lui-même. Il y a des ouvrages de lui à Athènes dans le Céramique. Mais avant toutes les statues non seulement de Praxitèle, mais de l'univers entier, est sa Vénus, qui a fait entreprendre à bon nombre de curieux le voyage de Cnide. Il en avait fait deux ; il les vendit ensemble : l'une était vêtue, et par cette raison fut choisie par les habitants de Cos, qui avaient le choix; la seconde ne coûtait pas plus cher, mais ils crurent faire preuve de sévérité et de pudeur. Les Cnidiens achetèrent la statue rebutée : la différence est immense pour la réputation.
[10] Dans la suite le roi Nicodème voulut l'acheter des Cnidlens, promettant de payer toute leur dette publique, qui était énorme; mas ils aimèrent mieux tout endurer, et avec raison; car par cette figure Praxitèle a fait la gloire de Cnide. Le petit temple où elle est placée est ouvert de tous côtés, afin que la figue puisse être vue en tous sens, la déesse même y aidant, à ce qu'on croit. Au reste, de quelque côté qu'on la voie, elle est également admirable. Un individu, dit-on, se passionna pour elle, se tint caché pendant la nuit dans le temple, et se livra à sa passion, dont la trace est restée dans une tache. Il y a aussi à Cnide d'autres statues de marbre d'artistes célèbres : un Bacchus de Bryaxis, un autre Bacchus de Scopas, et une Minerve du même; et ce qui ne prouve pas le moins en faveur de la Vénus de Praxitèle, c'est qu'au milieu de tels ouvrages on la cite seule.
[11] De Praxitèle est encore un Cupidon reproché à Verrès par Cicéron, celui-la même pour lequel on faisait le voyage de Thespies, et qui est maintenant dans les écoles d'Octavie (XXXV, 37). Du même est un autre Cupidon nu, placé à Parium, colonie sur la Propontide, aussi beau que la Vénus de Cnide, et outragé comme elle. Cette figure produisit le même effet sur les sens d'Alcétas de Rhodes, et une semblable trace d'amour y a été laissés. A Rome on possède de Praxitèle Flore, Triptolème, Cérès, dans les jardins Serviliens; les statues du Bon Succès (XXXIV, 19) et de la Bonne Fortune, dans le Capitole ; des Ménades et celles qu'on appelle Thyades, des Caryatides, dans le même lieu; un Silène, dans les monuments d'Asinius Pollion, un Apollon, un Neptune.

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