Traduction d'Emile Littré dans wikisource.
Gaii Plinii Secundi historiae naturalis libri I-XXXVII (Gaius Plinus Secundus, Histoire naturelle…) Manuscrit d’origine probablement anglaise, XIIe siècle.En haut, Pline au travail ; en bas, Pline remettant son ouvrage à l’empereur.Parchemin, 43,5 x 32 cm.Le Mans, médiathèque Louis Aragon.
La naissance de la sculpture en Grèce
Je reprends le chapitre IV, consacré à la période allant de la naissance de la sculpture grecque, datée par Pline du début du VIe siècle jusqu'à Phidias (480-430).
[2] Ceux qui viendront après nous démontreront que nous avons valu mieux que nos pères. Qui, en effet, a dans son atrium d'aussi énormes colonnes? Mais avant de parler des marbres nous pensons devoir mettre sous les yeux la valeur des hommes qui les ont travaillés. Passons donc d'abord en revue les artistes.
IV. (IV.) [1] Les premiers de tous qui se distinguèrent en sculptant le marbre furent Dipoenus et Scyllis, nés dans I'île de Crète. Les Mèdes avaient encore l'empire; Cyrus n'avait pas commencé de régner en Perse: c'était par conséquent vers la cinquantième olympiade. Ils allèrent à Sicyone, qui fut longtemps la patrie de tous les ateliers en ce genre de travaux. Les Sicyoniens avaient fait prix avec eux pour des statues de dieux; mais avant qu'elles fussent achevées les artistes se plaignirent d'un tort, et se retirèrent chez les Étoliens. Aussitôt Sicyone fut affligée par la stérilité et la famine, et plongée dans la consternation. Les habitants demandant un remède, Apollon Pythien répondit que leurs maux cesseraient si Dipoenus et Scyllis achevaient les statues des dieux; ce qu'on obtint à force d'argent et de soumissions. Ces statues étaient celles d'Apollon, de Diane, d'Hercule et de Minerve : cette dernière fut depuis frappée de la foudre.
(V.) [2] Quand ces deux artistes parurent, il y avait déjà eu dans l'île de Chios, Melas, sculpteur, puis son fils Micciadès et enfin son petit-fils Archennus, dont les fils Bupalus et Athenis furent très célèbres dans cet art. Ces deux derniers étaient contemporains du poète Hlpponax, qui a certainement vécu dans la soixantième olympiade. Si on fait le calcul en remontant dans cette famille jusqu'au bisaïeul, on trouvera que la sculpture a commencé avec l'ère des olympiades. Hipponax était remarquablement laid. Les deux artistes, par forme de plaisanterie, exposèrent son portrait à la risée du public; Hipponax, indigné, distilla contre eux l'amertume de ses vers, si bien que, selon quelques-uns, ils se pendirent de désespoir: mais cela est faux.
[3] En effet, ils firent postérieurement nombre de statues dans les îles voisines, par exemple à Délos, mettant à ces ouvrages une inscription en vers, dont le sens était que Chios était fameuse non seulement par ses vignes (XIV, 9), mais encore par les œuvres des fils d'Archennus. Les Lases montrent aussi une Diane de leur façon; et à Chios même on a parlé d'une Diane faite par eux, qui est placée très haut, et dont le visage paraît sévère quand on entre et gai quand on sort. Il y a de leurs ouvrages à Rome sur le faîte du temple d'Apollon Palatin, et dans presque tous les monuments élevés par le dieu Auguste. Il y en eut aussi de leur père à Délos et à Lesbos. Les oeuvres de Dipoerus remplissaient Ambracie, Argos, Cléones.
[4] Tous ces artistes n'ont employé que le marbre blanc de Paros, nommé d'abord lychnites, parce que, dit Varron, on le taillait dans les carrières à la lumière des lampes. Depuis on en a découvert beaucoup d'autres plus blancs, et récemment encore dans les carrières de Lune. On rapporte de celui du Paros un fait merveilleux : dans un bloc qu'on fendit avec des coins, apparut une figure de Silène.
[5] N'oublions pas de remarquer que la sculpture est de beaucoup antérieure (XXXV, 44) à la peinture et à la statuaire en airain; que l'une et l'autre ont commencé à Phidias, dans la quatre-vingt-deuxième olympiade, c'est-à-dire environ trois cent trente-deux ans après. On dit que Phidias lui-même a travaillé le marbre, et qu'il y a de lui à Rome, dans les édifices d'Octavie XXV, 37 et 40), une Vénus d'une merveilleuse beauté. Ce qui est certain, c'est qu'il fut le maître d'Alcamène (XXXIV, 19), Athénien, sculpteur des plus renommés. Il y a de ce dernier à Athènes beaucoup d'ouvrages dans les temples, et hors des murs une célèbre Vénus dite Vénus des Jardins: on dit que Phidias lui-même y mit la dernière main.
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