samedi 4 février 2012

Introduction aux grandes théories du Roman, III. Le roman à l'âge classique (2)

Je reprends une prise de notes commencée en juillet de l'an dernier sur le livre de Pierre Chartier, Introduction aux grandes théories du Roman, Bordas, 1990.


Je reprends le chapitre III, Le roman à l'âge classique.


4. Un apologiste honnête homme : Pierre-Daniel Huet


1670 : Traité sur les origines des romans (sur Gallica, l'édition de 1798-99, par Desessarts et aussi celle de Mariette, 1711 ; sur open library, l'édition de 1798 dans des conditions de lecture plus agréables, comme toujours sur open library)
Publié tout d'abord en préface de Zaïde, publié sous le nom de Segrais mais écrit par Mme de La Fayette.


Sur Persée, un article de Camille Esmein, auteure d'une thèse sur l'essor du roman au XVIIe siècle, dans les Cahiers de l'association internationale des études françaises.
Le traité sur les origines des romans, apologie du roman baroque ou poétique du roman classique

On trouvera sur Gallica ainsi que sur open library l'édition de plusieurs oeuvres de Huet, notamment :
- Traité philosophique de la faiblesse de l'esprit humain
- Traité de la situation du paradis terrestre
- Histoire du commerce et de la navigation des anciens
- la traduction française de ses mémoires, précédée d'éloge historique de Huet par l'abbé d'Olivet.


Huet qui fut d'abord fort marqué par le cartésianisme entend montrer dans le Traité philosophique de la faiblesse de l'esprit humain que l'homme ne peut atteindre par la raison à la vérité mais ne peut y avoir accès que par la foi. 
Il serait sans doute intéressant de mettre cette position qui fonde une anthropologie de la connaissance avec celle qu'il défend dans le Traité sur les orgines des romans.


Nombreuses rééditions durant la période classique.


Triple qualité :
- qualité de l'information
- perspicacité
- habileté à défendre le genre contre ses détracteurs


Double naissance du roman


Perspective historique : rôle fondateur joué par la rupture que représente la chute de l'Empire romain.
"lorsque ces nations farouches du Nord portèrent partout leur ignorance et leur barbarie. L'on avait fait auparavant des romans pour le plaisir, on fit alors des histoires fabuleuses, parce qu'on n'en pouvait faire de véritables, faute de savoir la vérité."


Les histoires des temps mérovingiens ne sont que des "ramas de mensonges grossièrement imaginés".


Moyen-Âge : invention du roman moderne en France, transmis ensuite à l'Italie et l'Espagne.


Au fondement de l'histoire du roman, une anthropologie universaliste, fondée sur la notion de plaisir. L'inclination aux fables est un trait commun à tous les hommes qui leur est naturelle. 
"Le désir d'apprendre et de savoir est particulier à l'homme, et ne le distingue pas moins des autres animaux que sa raison."
"les facultés de notre âme étant d'une trop grande étendue et d'une capacité trop vaste pour être remplies par les objets présents, l'âme cherche dans le passé et dans l'avenir, dans la vérité et dans le mensonge, dans les espaces imaginaires, et dans l'impossible même, de quoi les occuper et les exercer."


Diversification de cette disposition humaine à tisser des fictions :


- tient compte ou non de la vérité.


- emprunte la voie médiane et difficile (science) ou immédiate et facile (roman).


Théorie de la catharsis : "toutes nos passions (qui sont "les grands mobiles de toutes les actions de notre vie") s'y trouvent agréablement excitées et calmées".


Théorie d'une double lecture :


- lecture des enfants et des simples qui se contentent de l'écorce.
- lecture de "ceux qui pénètrent plus avant et vont au solide", les lecteurs "polis" qui "se dégoûtent de cette fausseté" et recherchent "l'excellence de l'invention et de l'art."


Les amateurs de "fiction ingénieuse, mystérieuse et instructive" en fait appliquent la théorie de Saint Augustin, selon lequel "ces faussetés qui sont significatives, et enveloppent un sens caché, ne sont pas des mensonges, mais des figures de la vérité, dont les plus sages et les plus saints personnages, et Notre Seigneur même, se sont servis."


La tradition de la figure


Inscrire le roman dans une tradition de valorisation de la Figure :
- Platon, Aristote (couple vérité-poésie), Plutarque, Cicéron (historia/fabula) (cf. W.Nelson, Fact or Fiction. The dilemma of the Renaissance Storysteller, Havard U.P., 1973)
- Histoire Sainte


Chez Huet, opposition entre poésie et poésie / fable (pur mensonge)


Définition du roman régulier


Ce que l'on appelle proprement Romans sont des fictions d'aventures amoureuses, écrites en prose avec art, pour le plaisir et l'instruction des lecteurs. Je dis des fictions, pour les distinguer des histoires véritables. J'ajoute, d'aventures amoureuses, parce que l'amour doit être le principal sujet du Roman. Il faut qu'elles soient écrites en prose, pour être conforme à l'usage de ce siècle. Il faut qu'elles soient écrites avec art, et sous certaines règles ; autrement ce sera un amas confus, sans ordre et sans beauté.
Etablir la différence entre le roman et le poème épique :
- roman : moins vaticinant, moins figuré, moins merveilleux, ne chante pas les combats, décrit exactement et fidèlement les circonstances de la vie privée.


Refus des "histoires entièrement controuvées".


Critère (aristotélicien) de la vraisemblance : opposition entre "des fictions de choses qui n'ont point été et n'ont pu être" et les romans, "fictions de choses qui ont pu être".

Eloge des femmes 


Comprendre le succès du roman au XVIIe : rôle des femmes.


Je crois que nous devons cet avantage à la politesse de notre galanterie qui vient à mon avis de la grande liberté dans laquelle les hommes vivent en France avec les femmes. (...) en France, les dames vivent sur leur bonne foi, et n'ayant point d'autres défenses que leur propre coeur, elles s'en sont fait un rempart plus fort  et plus sûr que toutes les clefs, que toutes les grilles, et que toute la vigilance des Duègnes. Les hommes ont donc été obligés d'assiéger ce rempart par les formes, et ont employé tant de soin et d'adresse pour le réduire, qu'ils s'en sont fait un art presque inconnu aux autres peuples. C'est cet art qui distingue les romans français des autres romans, et qui en a rendu la lecture si délicieuse, qu'elle fait négliger des lectures plus utiles.
Rôle accordé aux romans dans l'éducation des filles, pour lors qu'il s'agit de bons romans, d'une pureté parfaite de style et de moeurs.

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