Un petit post pour indiquer mollement une fragile intention de me remettre à ce blog sympathique...
Peut-être...
Au programme, en autres, le surréalisme belge...
bloc)notes)
samedi 24 février 2018
mardi 3 janvier 2017
L’iconoclasme à Byzance // Marie-France Auzépy
Je reviens ici après un très long temps de silence.
Toujours la même idée : glâner des documents qui pourront servir à réflexion sur les thèmes qui m'intéressent.
Je reviens notamment à la question de l'image, de la représentation et de son interdiction avec la très belle, très dense et très instructive conférence de Marie-France Auzépy sur l'iconoclasme à Byzance.
https://vimeo.com/70466797
J'essaierai d'en faire dans les semaines qui viennent une prise de note...
J'ajoute une autre vidéo de la même Marie-France Auzépy que je n'ai pas encore écoutée, mais à coup sûr intéressante.
Toujours la même idée : glâner des documents qui pourront servir à réflexion sur les thèmes qui m'intéressent.
Je reviens notamment à la question de l'image, de la représentation et de son interdiction avec la très belle, très dense et très instructive conférence de Marie-France Auzépy sur l'iconoclasme à Byzance.
https://vimeo.com/70466797
J'essaierai d'en faire dans les semaines qui viennent une prise de note...
J'ajoute une autre vidéo de la même Marie-France Auzépy que je n'ai pas encore écoutée, mais à coup sûr intéressante.
mardi 23 septembre 2014
Burkina Faso : musique :
Après l'écoute de la très belle émission de France Culture sur Ouagadougou, une petite errance sur internet me permet de découvrir deux chanteurs et deux groupes des années 70-80 du Burkina Faso :
Pierre Sandwidi et l'orcheste Harmonie Voltaïque, sur lesquels il est assez difficile de trouver vraiment quelque chose :
quelques morceaux sur youtube
Sur un blog consacré aux musiques africaines,
un article sur l'orchestre Harmonie Voltaïque
http://lesdisquesafricains.blogspot.jp/2012/10/sempore-maurice-et-lorchestre-harmonie.html
et un autre article sur Pierre Sandwidi :
http://ghostcapital.org/sandwidi-pierre-le-troubadour-de-la-savane-production-kouri-pk-002-nigeria-1984/
Autre chanteur que je découvre, Jean-Bernard Samboue.
Tout d'abord un article biographique sur Le Faso, à l'occasion des 15 ans de sa mort, en 1998.
On trouve plusieurs vidéos sur youtube (que je n'arrive pas à charger ici).
On trouvera sur Radio Africa une discographie de la musique burkiné
http://www.radioafrica.com.au/Discographies/Burkinabe.html
Pierre Sandwidi et l'orcheste Harmonie Voltaïque, sur lesquels il est assez difficile de trouver vraiment quelque chose :
quelques morceaux sur youtube
Sur un blog consacré aux musiques africaines,
un article sur l'orchestre Harmonie Voltaïque
http://lesdisquesafricains.blogspot.jp/2012/10/sempore-maurice-et-lorchestre-harmonie.html
et un autre article sur Pierre Sandwidi :
http://ghostcapital.org/sandwidi-pierre-le-troubadour-de-la-savane-production-kouri-pk-002-nigeria-1984/
Autre chanteur que je découvre, Jean-Bernard Samboue.
Tout d'abord un article biographique sur Le Faso, à l'occasion des 15 ans de sa mort, en 1998.
On trouve plusieurs vidéos sur youtube (que je n'arrive pas à charger ici).
On trouvera sur Radio Africa une discographie de la musique burkiné
http://www.radioafrica.com.au/Discographies/Burkinabe.html
jeudi 28 février 2013
Humour : atelier fabula : l'humour est-il rhétorique ? Prise de notes (2)
La suite de la prise de notes :
ATELIER
DE THÉORIE LITTÉRAIRE : HUMOUR EST-IL RHÉTORIQUE ?
Bernard
Gendrel, Patrick Moran
b. Litote
et hyperbole
Genette
voit dans litote et hyperbole les deux figures privilégiées de l’humour.
La litote
Définition
de Fontanier : « au lieu d'affirmer positivement une chose, nie absolument la chose contraire, ou
la diminue plus ou moins,
dans la vue même de donner plus d'énergie et de poids à l'affirmation positive
qu'elle déguise. »
Proposition
vite avancée, vite retirée de définir la litote comme un faux euphémisme (c’est-à-dire recours à la forme euphémistique
(diminution) mais pour frapper davantage)
De
nouveau, exemple tiré de Bierce pour mener l’analyse :
« Early one June morning in
1872 I murdered my father - an act which made a deep impression on me at the
time »
Recours
à une formule euphémistique pour qualifier un acte actroce
Ici
l’usage d’une formule euphémistique comme qualification de l’acte ne sert pas à
rétablir une vérité cachée mais « révéler l'humour absurde de l'ensemble ».
[Discussion :
1.
Y a-t-il ici litote ?
J’aurais tendance à en douter :
dire d’un acte qu’il a fait « une profonde impression » n’est pas une
litote.
La litote est une figure de
substitution : un trope. C’est-à-dire qu’il y a autrechose à la place.
Ici, je ne suis pas certain qu’il y ait substitution.
2.
L’effet d’humour tient davantage à l’usage d’une expression assez usuelle, pour
ne pas dire figée « faire une profonde impression sur moi » pour
qualifier un acte auquel cette expression ne s’applique pas. Il faudrait
bêtement montrer à quoi on peut appliquer cette expression : un film ?
la visite d’un monument ? d’une ville ?]
Hyperbole :
problème similaire
Définition
de Fontanier : « L'Hyperbole augmente
ou diminue les choses avec excès, et les présente bien au-dessus ou
bien au-dessous de ce qu'elles sont, dans la vue, non de tromper, mais d'amener à la vérité même, et de fixer,
par ce qu'elle dit d'incroyable, ce qu'il faut réellement croire. »
[On
notera en passant les efforts presque désespérés de Fontanier pour garder l’hyperbole
dans la sphère de la vérité, ce qui pourrait être franchement discuter... ]
Exemple
tiré de Blondin : un prof qui conte la bataille de Fontenoy ; à la
sonnerie de la cloche, les enfants qui sortent « semblaient enjamber avec
une déférence renouvelée les douze mille cadavres que j’avais amoncelés entre
ma chaire et le tableau noir »
Ici
l’hyperbole des « douze mille cadacres » ne crée aucune vérité.
L’auteur
du séminaire propose de parler de faux euphémisme ou d’excès dans le cas de l’humour
– parce qu’il n’y a pas de rétablissement d’une vérité.
c. Épitrope
et astéisme
C’est
toujours Genette qui sert de guide :
« L'Épitrope ou Permission, dans la vue même de nous détourner d'un
excès, ou de nous en inspirer soit l'horreur, soit le repentir, semble nous inviter à nous y livrer sans réserve, ou à y mettre le comble,
et à ne plus garder de mesure. » (Fontanier)
Exemples :
1. Britanicus, Agrippine à
Néron : un usage ironique de l’épitrope
« Poursuis, Néron ; avec de tels ministres, / Par
des faits glorieux tu vas te signaler ; / Poursuis, tu n’as pas fait ce
pas pour reculer. »
2. Swift, Instructions
aux domestiques : épitrope et humour.
« Quand vous avez cassé toutes vos tasses de faïence
(ce qui ordinairement est l'affaire d'une semaine), la casserole de cuivre fera
aussi bien l'affaire. On y peut faire bouillir le lait, chauffer le potage,
mettre de la petite bière, elle peut en cas de nécessité servir de « Jules » ;
appliquez-la donc indifféremment à tous ces usages ; mais ne la lavez, ni
ne la récurez jamais, de peur d'enlever l'étamage. Bien qu'on vous ait affecté
des couteaux pour vos repas à l'office, vous ferez bien de les ménager et de
n'employer que ceux de votre maître. »
Je
reprends telle quelle l’analyse proposée dans le séminaire :
Le locuteur encourage ici les domestiques
à faire des actions répréhensibles, mais rien n'indique qu'il s'agisse d'une
attaque contre ces pratiques et qu'il faille retourner l'éloge en condamnation.
L'humour est au delà.
Astéisme :
« est un badinage délicat et
ingénieux par lequel on loue ou l'on
flatte avec l'apparence même du
blame et du reproche.»
d. Paradoxisme
« Le Paradoxisme, qui revient à ce qu'on
appelle communément Alliance de mots,
est un artifice de langage par lequel des idées et des mots, ordinairement
opposés et contradictoires entre eux, se trouvent rapprochés et combinés de manière que, tout en semblant se combattre et s'exclure
réciproquement, ils frappent
l'intelligence par le plus étonnant accord, et produisent le sens le plus vrai, comme le plus profond et
le plus énergique. » (Fontanier)
Pour
l’auteur, là où la rhétorique use du paradoxe pour faire découvrir une vérité
plus profonde, l’humour lui ne recourt qu’à un faux paradoxe.
Opposition
entre l’exemple de Boileau (paradoxe au service d’une vérité) et Woody Allen
(faux paradoxe)
« Souvent trop d'abondance
appauvrit la matière. »
« ce n'est pas que j'aie vraiment
peur de mourir, mais je préfère ne pas être là quand ça arrivera »
Opposition
entre esprit et humour :
« Pour
qu’il y ait esprit il y ait écart comique, mais il faut aussi qu’il y ait
maintien du fonctionnement rhétorique » (c’est-à-dire que la vérité reste
l’horizon de la parole)
« Corot est l'auteur de 3000
tableaux dont 10000 ont été vendus aux Américains » (Alfred Capus).
e. Syllepse
« Les
Tropes mixtes, qu'on appelle Syllepses, consistent à prendre un
même mot tout-à-la-fois dans deux sens différents, l'un primitif ou censé
tel, mais toujours du moins propre ; et l'autre figuré ou censé tel, s'il
ne l'est pas toujours en effet. » (Fontanier)
« Rome n’est plus dans Rome »
« Brûlé par plus de feux que je
n'en allumai »
Reprise
de la distinction humour/esprit (présence ou non du fonctionnement rhétorique)
« Il n'y a qu'à être en Espagne
pour n'avoir plus envie d'y bâtir des châteaux » (Madame de Sévigné)
Bilan
Rapprochement
avec DominiqueNoguez qui souligne le caractère anti-rhétorique de l’humoue
(mais chez Noguez, la rhétorique est ce qui est visible, repérable, alors qu’ici
la rhétorique (à la Fontanier) se définit bien plus comme un arraisonnement du
langage à une entreprise de persuasion mise au service de la vérité)
On
arrive aux distinctions suivantes :
|
Fonctionnement
comique
|
Situation
d’énonciation
|
Fonctionnement
rhétorique
|
humour
|
+
|
Normale
(locuteur = énonciateur)
|
_
|
esprit
|
+
|
|
+
|
ironie
|
+
|
Locuteur
différent énonciateur
|
+
|
jeudi 21 février 2013
humour : compte rendu par Claude Hagège de l'ouvrage de Salvatore Attardo, Linguistic Theories of Humor
Je reprends ici le compte rendu de Claude Hagège publié dans la revue L'Homme de l'ouvrage de Salvatore Attardo, Linguistic theories of humor, 1994.
Consultable sur le site Persée :
Consulté le 22 février 2013
Consultable sur le site Persée :
Claude Hagège. S. Attardo, Linguistic Theories of Humor, L'Homme,
1997, vol. 37, n° 142, pp. 117-119.
Consulté le 22 février 2013
Salvatore Attardo,
Linguistic Theories of Humor.
Berlin-New York, Mouton de Gruyter, 1994, xix + 426 p., bibl., append., index,
fig., tabl. (« Humor Research » 1).
Cet ouvrage, qui inaugure la collection «
Humor Research » lancée par les éditions Mouton de Gruyter, est consacré, comme
l'indique son titre, à un examen des principales théories linguistiques qui,
spécifiquement ou à l'occasion d'autres thématiques, traitent de l'humour en
tant que manifestation culturelle susceptible d'intéresser tant les linguistes
que ceux qui l'abordent par des biais différents. Il est clair que Salvatore
Attardo (aujourd'hui professeur à Purdue University, Indiana), auquel on doit
de nombreux travaux sur diverses formes d'humour (dont la barzelletta, genre de
plaisanterie appartenant à la tradition italienne), traite ici un sujet qu'il
connaît bien et sur lequel il a beaucoup travaillé : sa bibliographie n'occupe
pas moins de cinquante-deux pages, et son ouvrage cite un nombre considérable
d'auteurs dont il présente les idées sans toujours prendre assez de distance
critique : pour ne donner qu'un seul exemple, il reprend à P. Guiraud le
traitement de l'humour comme « défonctionalisation » du langage et à M. Apter
l'idée de le définir comme une « activité paratélique » s'opposant aux
activités orientées vers un but, alors que l'on pourrait tout aussi bien
considérer comme inhérent au langage, en parlant de fonction ludique(1), le goût
du jeu avec les mots, dont S. Freud montrait en 1905, dans son ouvrage sur le
Witz, qu'il est commun aux adultes et aux enfants.
L'énumération consciencieuse et l'étude
détaillée des nombreuses théories sur l'humour que l'on trouve dans la
littérature spécialisée confèrent parfois à l'ouvrage une allure de catalogue
et induisent une présentation qui, faute d'être assez nerveuse, n'évite pas
toujours les pièges du bavardage et de la prolixité. Le livre abonde en longs
débats dont l'auteur reconnaît parfois lui-même qu'on ne peut presque rien en
conclure (« largely inconclusive », écrit-il à propos de l'un d'eux). Aux
passages en revue et exposés modérément critiques de théories dont il ne se
dégage guère de point décisif, aux déclarations en faveur de modèles
interprétatifs dont S. Attardo n'établit pas de manière convaincante en quoi
ils sont « clearly to be preferred », s'ajoutent les rappels de modèles de
base, comme la théorie saussurienne des associations (dites plus tard paradigmatiques),
dont deux raisons au moins rendaient peu nécessaire ici le traitement : d'une
part le fait qu'ils sont fort connus, d'autre part l'absence de relation
directe avec la problématique de l'humour. En outre, la prolixité enfante le
truisme, et l'auteur n'échappe pas à cette filiation lorsqu'il déclare, par
exemple, que l'humour du locuteur aux dépens de l'auditeur produit des effets
négatifs, par opposition à l'humour de complicité.
On pourrait considérer le plan de l'ouvrage
comme responsable, pour une part, de cette absence de vigueur. Une autre
organisation de sa matière était, en tout cas, possible. L'auteur présente,
pour l'essentiel, trois théories qu'il appelle respectivement « le modèle de la
disjonction d'isotopie », « la théorie de la bisociation » et « la théorie de
l'humour selon scénario sémantique ». Or, au lieu que ces théories soient
présentées sous un même grand titre initial qui les regrouperait en
développements successifs, elles apparaissent, après un premier chapitre
historique où sont rappelés les apports des Grecs, des Latins, de la
Renaissance et du début du xxe siècle, la première au chapitre 2, la deuxième
dans la première section du chapitre 5, et la troisième au chapitre 6. Le reste
du volume est consacré d'une part aux calembours (chap. 3 et 4), d'autre part à
la relation entre l'humour et le style (chap. 7), entre l'humour et le
destinataire (chap. 9), enfin à l'humour dans un long texte (chap. 8 et 10), le
dernier chapitre ne comprenant que trois pages où sont indiquées des directions
de recherche. De cet examen il ressort que l'ordre logique des chapitres aurait
dû être le suivant :l-2-5-6-3-4-9-8-10-ll.
Une autre raison du flou dont ce livre produit
parfois l'impression est tout simplement que les notions clés sur lesquelles il
s'organise ne sont pas définies ; et que, corollairement, des distinctions
importantes ne sont pas faites. Si paradoxal qu'il paraisse, la définition de
l'humour lui-même n'est nulle part donnée clairement ; dans l'introduction («
chapitre 0 », selon l'habitude disgracieuse aujourd'hui répandue), il est dit
que cette définition est impossible (B. Croce étant cité à témoin), et aucun
discriminant n'est fourni pour distinguer entre elles les composantes de ce que
l'auteur appelle le « champ sémantique de l'humour » : satire, comique, ironie,
plaisanterie, dérision, sarcasme, bon mot, calembour, etc. On ne voit pas, en
particulier, où se situe la différence entre plaisanterie et calembour, ainsi
qu'entre ces notions et celles qui en sont voisines ; c'est dans une petite
parenthèse (p. 193) que l'auteur caractérise la plaisanterie comme « un texte
court », et dans une note (p. 293) où, ayant consenti à préciser que la
plaisanterie relève, par ses dimensions, de la linguistique du texte, il se
contente d'écrire que la comparaison entre elle et d'autres types narratifs
humoristiques est « extrêmement complexe » et renvoie à divers auteurs pour la
distinction que l'on peut tracer, par exemple, entre plaisanterie et anecdote
amusante. On ne sait donc auquel de ces deux genres il convient d'assigner le
dialogue suivant, emprunté à A. Greimas : « Belle soirée, hein ? Repas
magnifique... et puis jolies toilettes, hein ? — Ça, dit l'autre, je n'en sais
rien. — Comment ça ? — Non, je n'y suis pas allé !» ; le calembour, tout comme
la plaisanterie au sens où l'entend S. Attarde, joue sur une ambiguïté (bien
que certains exemples qu'en donne l'auteur exploitent des domaines hétérogènes
: delirium tremensl très mince est une attraction morphologique, alors que
souffrante pour désigner une allumette est un jeu sur l'homonymie des radicaux
du verbe souffrir et du nom soufre) ; ce serait donc le cadre textuel, large
dans un cas, réduit à une unité dans l'autre, qui distinguerait calembour et
plaisanterie ; mais il n'y a pas de théorisation explicite de ce point dans
l'ouvrage, pourtant foisonnant d'exposés sur les théories. On ne trouve pas non
plus de théorisation de la possibilité de traduire, et l'auteur ne traite à
part ni les expressions idiomatiques, ni les bons mots qui sont liés aux
formes spécifiques d'une langue donnée : si « genius is 1 % inspiration and 99
% perspiration » est compréhensible aux francophones moyennant le changement de
per- en trans-, en revanche, « do you believe in clubs for young people ? —
Only when kindness fails » suppose qu'ils sachent que club peut signifier aussi
bien « bâton » que « club » ; ils doivent connaître assez d'anglais également
si l'on veut qu'ils apprécient la contrepèterie yesterday the dear old queen
gave an audience to the queer old dean ; inversement, seule une bonne
compétence en français permet à des étrangers d'apprécier (s'il y a lieu...)
marché coma, vaticancan, mieux vaut Tartuffe que jamais ou bulletin
d'informacons.
Les trois théories que l'auteur privilégie ici
se ramènent en réalité à deux, puisque, analysant le modèle de la bisociation,
il écrit qu'elle n'est qu'une variante notationnelle de la disjonction
d'isotopie et du scénario sémantique. Il n'empêche que la théorie de la bisociation
a exercé une grande influence, comme le rappelle S. Attardo, sur des auteurs
aussi variés qu'Eco, Fonagy, Manetti et d'autres. La bisociation est, selon la
définition d'A. Koestler, qui a proposé cette théorie dans L'acte de création
(1964) (il s'agit bien du grand humaniste et romancier anglo-hongrois auteur de
Zéro et l'infini !), « la perception d'une situation ou d'une idée dans deux
cadres de référence cohérents mais habituellement incompatibles ». D'une
manière en effet parallèle, le modèle de la disjonction d'isotopie postule que
les plaisanteries sont constituées d'une contradiction entre deux mondes
sémantiques, ou isotopies, qui sont présentés ensemble alors qu'ils sont
disjoints. Le modèle du scénario sémantique, quant à lui, emprunte initialement
à la psychologie (Bartlett, Bateson, Goffman) la notion de scénario, ou texte
écrit, qui désigne un ensemble organique d'informations sur un sujet donné, cet
ensemble étant une structure cognitive intériorisée par le locuteur ; ce
dernier possède, selon V. Raski — auteur de la théorie (familier de S. Attarde,
tous deux enseignant dans la même université) qui a adapté à l'interprétation
de l'humour les idées chomskyennes — une compétence innée qui lui permet de décider qu'un texte est
humoristique s'il est compatible avec deux scénarios opposés. À titre
d'exemple, S. Attardo cite après Raskin le bon mot suivant : « Le docteur
est-il chez lui ? », chuchote le malade d'une voix basse et toussotante. « Non
», lui répond en chuchotant la jeune et jolie femme du docteur, « entrez tout
de suite », ou encore celui-ci : « Combien de Polonais faut-il pour visser une
ampoule ? — Cinq : un pour tenir l'ampoule et quatre pour tourner la table sur
laquelle il est debout. » Selon l'auteur, ce dernier exemple oppose les
scénarios réel et irréel et active le scénario idiot. Un autre exemple encore
joue sur les fausses analogies : « Madonna n'en a pas, le pape en a un mais ne
s'en sert pas, Bush en a un court, et Gorbatchev en a un long. Qu'est-ce que
c'est ? — Réponse : un deuxième nom ». Un dernier exemple exploite l'inépuisable
veine des ambiguïtés suscitées par les formulations qui évoquent à la fois le
scénario des geste de l'amour et celui des autres gestes : la mère de trois
sœurs mariées le même jour écoute aux portes la nuit venue, et demandant, le
lendemain, pourquoi l'une a crié « hihihi », l'autre « hahaha », tandis que la
dernière n'a rien dit, s'entend répondre, respectivement : « ça chatouillait »,
« ça faisait mal » et « tu m'as appris qu'il était toujours impoli de parler la
bouche pleine ». On voit que le répertoire de bons mots dressé par l'auteur
inclut hardiment des registres et des goûts assez variés...
L'ouvrage est essentiellement fondé sur les
conceptions et les illustrations occidentales de l'humour. Au sein de ces
dernières, l'humour juif, dont la richesse n'est pas sans liens avec
l'absurdité des situations juives, n'est qu'à peine mis à contribution, sauf
dans un exemple qui exploite non pas la confrontation comique entre ces
dernières et les situations non juives, mais le jeu, typiquement linguistique,
sur l'adéquation illusoire entre le réfèrent et le signifiant : à la question «
pourquoi le kugel (gâteau traditionnel du sabbat fait de pâtes et de pommes de
terre) s'appelle-t-il kugel ?», le légendaire humoriste Motke Chabad répond : «
Quelle est cette sotte question ? N'est-il pas doux comme le kugel ? N'est-il
pas épais comme le kugel ? Et n'a-t-il pas le même goût que le kugel ? Alors,
pourquoi ne devrait-il pas s'appeler kugel ? ». S. Attarde n'insiste pas assez
sur cet humour de la circularité sémiotique. Non seulement il ne fait pas à
l'humour juif, malgré la mention de ce bon mot, la place qu'il mérite, mais
encore il n'utilise aucune des contributions que pourraient apporter aux
théories de l'humour les cultures slave, arabe, indienne, chinoise, japonaise,
austronésienne, africaine, amérindienne, etc. Corollairement, il manque ici,
bien que l'auteur en fasse le vœu pieux dans le dernier chapitre, une
perspective typologique.
Comme S. Attardo le reconnaît lui-même au
début du premier chapitre, une partie de ce livre n'est pas directement
pertinente pour la linguistique, et certains passages tiennent de la «
tétracapillotomie » épistémologique. En outre, le style, lors même que sont
exposées les théories de l'humour, n'est pas toujours d'une humoristique légèreté.
Néanmoins, résultat de l'important travail d'un auteur très bien informé,
l'ouvrage éclaire d'une vive lumière un sujet qui intéresse non seulement les
linguistes, mais aussi les ethnologues et les spécialistes de littérature.
Claude Hagège Collège de France, Paris
1. Cf. C. hagège, L'homme de paroles, Paris,
Fayard, 1985 : 262-263.
L'Homme
142, avril-juin 1997, pp. 115-171.
Humour : atelier fabula : l'humour est-il rhétorique ? Prise de notes (1)
Je commence ici la mise en ligne des notes prises à la lecture du séminaire publié sur Fabula de Gendrel et Moran : "L'humour est-il rhétorique ?"
Je continuerai ultérieurement cette mise en ligne.
Je continuerai ultérieurement cette mise en ligne.
ATELIER
DE THÉORIE LITTÉRAIRE : HUMOUR EST-IL RHÉTORIQUE ?
Bernard
Gendrel, Patrick Moran
Projet :
chercher si l’humour privilégie certaines figures tout comme l’antiphrase
semble être la figure favorite de l’ironie.
Il
s’agira en fait de suivre les traces du travail de Genette dans Figures V où
ce dernier examine en quoi les figures de rhétorique telles qu’elles sont
définies par Fontanier peuvent
rendre compte de l’humour.
Définition des
figures
par Fontanier :
« Les
figures du discours sont les traits, les
formes ou les tours plus ou moins remarquables et d'un effet plus ou moins
heureux, par lesquels le discours, dans
l'expression des idées, des pensées ou des sentimens, s'éloigne plus ou
moins de ce qui en eût été l'expression simple et commune. »[i]
(définition
de la figure par l’écart avec « l’expression simple et commune ».
1.
les
figures de pensées (prosopopée, concession, éthopée, portrait,
topographie etc.) et
2.
les
figures de mots.
À
l'intérieur des figures de mots il
distingue
1) les « figures de mots dans le sens
propre », qui ne changent pas la signification habituelle
des mots - figures de construction
(inversion, énallage, ellipse, zeugme, anacoluthe...), figures d'élocution (répétition, gradation, adjonction,
allitération, assonance, dérivation...), figures
de style (périphrase, exclamation, apostrophe, antithèse, hypotypose),
2) les tropes, qui prennent
les mots dans un sens détourné. À l'intérieur des tropes il distingue les tropes en un seul mot (métonymie,
synecdoque, métaphore, syllepse) et les
tropes en plusieurs mots (personnification, allégorie, hyperbole,
métalepse, litote, paradoxisme, prétérition, ironie, épitrope,
astéisme...). Dans chaque catégorie j'ai souligné les termes sur
lesquels nous reviendrons plus précisément.
La
suite du séminaire propose un examen des différentes figures susceptibles d’éclairer
l’humour.
[Remarque :
si dans la définition de Fontanier rappelée ici c’est l’écart qui permet de
définir les figures, on notera que dans la suite de l’argumentation de l’auteur
de ce texte la rhétorique est essentiellement définie par son rapport à la vérité
(c’est-à-dire que la figure est maintenant définie en fonction de sa finalité,
faire apparaître une vérité qui n’était pas évidente au départ). Un tel
arrimage de la rhétorique à la vérité mériterait d’être interrogé et il est
sans doute plus caractéristique du projet de Fontanier que de la rhétorique
elle-même. Si on pense aux conditions de naissance de la rhétorique en Grèce, à
ses étroites relations de parenté avec la sophistique, à la condamnation
platonicienne, postuler un lien consubstantiel entre rhétorique et vérité est
loin d’apparaître comme une évidence.]
2.
Figures privilégiées
a.
Le problème de l'antiphrase
Fontanier
redéfinit l’antiphrase comme ironie,
en opposant ironie et catachrèse :
-
ironie et catachrèse se définissent toutes deux
par « l’emploi d’un mot ou d’une façon de parler dans un sens contraire à
celui qui lui est ou lui semble naturel »
-
dans le cas de l’ironie,
cet emploi se fait librement et par choix
-
dans le cas de la catachrèse,
cet
emploi est forcé par l’usage
Définition de l’ironie : « L'Ironie
consiste à dire par une raillerie, ou plaisante, ou sérieuse, le contraire de
ce qu'on pense, ou de ce qu'on veut faire penser. »[iii]
Tentatives des
théoriciens de l’humour de définir l’humour
dans son rapport à l’antiphrase :
Genette, Bergson,
Henri Morier
Genette :
opposition entre antiphrase de fait
(ironie) et antiphrase axiologique
(reposant sur un jugement de valeur) – opposition réfutée de façon à mon sens
pertinente par les auteurs de ce séminaire ; cf. séminaire
d’ouverture.
Reformulation
de la question : « savoir s'il
arrive que l'humour prenne la forme de l'antiphrase. »
Analyse
et jeu autour d’un extrait du Dictionnaire
philosophique portatif de Voltaire, articule « torture ».
L’extrait
choisi est donné comme un cas exemplaire d’ironie :
Voltaire, à propos de la question qu'un conseiller de la
Tournelle inflige à un accusé, cite un vers des Plaideurs : « Cela
fait toujours passer une heure ou deux ».
Les Romains n'infligèrent jamais la torture qu’aux esclaves,
mais les esclaves n’étaient pas comptés pour des hommes. Il n’y a pas
d'apparence non plus qu'un conseiller de la Tournelle[1]
regarde comme un de ses semblables un homme qu’on lui amène hâve, pâle, défait,
les yeux mornes, la barbe longue et sale, couvert de la vermine dont il a été
rongé dans un cachot. Il se donne le plaisir de l’appliquer à la grande et à la
petite torture, en présence d'un chirurgien qui lui tâte le pouls, jusqu'à ce
qu’il soit en danger de mort, après quoi on recommence ; et comme dit très
bien la comédie des Plaideurs : « Cela fait toujours
passer une heure ou deux ».
Les auteurs
proposent de décontextualiser la phrase et de l’inclure dans le cadre d’une
nouvelle à la Ambrose Bierce :
« Hier j'ai tué toute ma famille. Cela fait toujours
passer une heure ou deux. »
Dans le
premier cas, son sens véritable de la phrase pourrait être rétabli en prenant l’énoncé
contraire :
« La torture ne fait pas passer une heure ou deux, elle
n'est pas un divertissement, puisqu'un être humain souffre. »
Reformulation
impossible dans le deuxième cas.
Cette
impossibilité de faire apparaître un sens véritable serait ainsi l’indice que
nous sommes en présence d’humour (noir) et non d’ironie.
Je cite
le séminaire : « On ne parlera pas non plus d'antiphrase puisqu'il n'y a finalement aucune proposition
juste à rétablir. On se dit qu'Ambrose Bierce ne pense pas réellement ce
qu'il dit mais cela ne signifie pas qu'il veuille faire dire l'inverse
de ce qu'il pense. »
mardi 19 février 2013
Humour : Kierkegaard, Post-scriptum aux miettes philosophiques : l'ironie
J'enchaîne avec le texte sur l'ironie, comme passage du stade esthétique au stade éthique.
Kierkegaard
– Post-scriptum, IIe
partie, 2e section, A) Le pathétique, §2
L’ironie
paraît quand on rapporte sans cesse les particularités du monde fini à l’exigence
éthique infinie et qu’on laisse éclater la contradiction. Celui qui le peut
avec habileté sans se laisser prendre à quelque relativité capable d’effaroucher
sa virtuosité, doit avoir exécuté un mouvement de l’infini, dans l’éventualité
où il serait un éthicien. [...] L’observateur ne pourra donc même pas le
surprendre à son incapacité de se voir lui-même sous un jour comique, car son
interlocuteur est aussi capable de parler de soi comme d’un tiers, de se rattacher
comme infime détail à l’exigence absolue ; de se rattacher, dis-je, et qu’il
est étrange de voir ce terme désignant la dernière difficulté de la vie, celle
de mettre en liaison des choses absolument différentes (comme l’idée de Dieu et
celle d’une promenade à Dyrehaven), s’appliquer aussi dans le langage à l’art
de taquiner ! Mais s’il est établi que notre homme est ironiste, il ne l’est
pas qu’il soit éthicien. Il ne l’est que s’il se rapporte en son for intérieur
à l’exigence absolue. Un pareil éthicien fait de l’ironie son incognito. C’est
en ce sens que Socrate était éthicien mais qui, je le souligne, tendait à la
limite du religieux ; aussi bien avons-nous montré précédemment (Sect. II,
chap. II) l’analogie que son existence présentait avec la foi. Qu’est-ce donc
que l’ironie, si l’on appelle Socrate un ironiste et si l’on ne se contente pas
d’en mettre en relief un seul aspect comme l’a fait à dessein ou non le Mag.
Kierkegaard dans sa thèse sur Le concept
d’ironie ? L’ironie est la synthèse de la passion éthique qui accentue
infiniment dans l’intériorité le je individuel rapporté à l’exigence éthique,
et de la culture qui, dans le monde extérieur, fait infiniment abstraction de
ce je individuel, comme d’une chose finie parmi toutes les autres choses finies
et particulières. Cette abstraction a pour effet, et c’est l’art de l’ironiste,
que personne ne remarque le premier aspect du je dont la véritable
infinitisation se trouve ainsi conditionnée[1]. Une foule de gens vivent
de la façon inverse ; ils s’empressent d’être quelque chose quand on les
regarde et de se donner si possible de l’importance à leurs propres yeux dès qu’ils
se voient observés ; mais tout au fond d’eux-mêmes, sous le regard de l’exigence
absolue, ils n’ont aucune envie d’accentuer leur moi propre.
L’ironie
est une détermination, une catégorie existentielle ; aussi rien n’est-il
plus ridicule que d’y voir une façon de parler, ou que de voir un écrivain tout
heureux d’avoir de temps à autre le ton ironique. Celui qui possède
essentiellement l’ironie, la possède tout le long du jour sans qu’elle soit
liée à aucune forme, parce qu’elle est en lui l’infinité.
L’ironie
est la culture de l’esprit ; elle succède à l’immédiateté ; puis
vient l’éthicien, puis l’humoriste, et enfin, l’esprit religieux. [...] Les
hommes portent toujours sur un pareil individu ce jugement : pour lui, il
n’y a rien qui compte. Et pourquoi ? Parce que pour lui, l’éthique a une
importance absolue ; c’est en cela, en effet, qu’il diffère des hommes en
général pour qui tant de choses sont importantes ; presque toutes le sont,
mais aucune absolument. – Mais, je l’ai dit, un observateur risque d’être dupe
s’il prend un ironiste pour un éthicien, car l’ironie n’est que la possibilité
de le devenir.
[1] La tentative désespérée
et manquée de l’éthique hégélienne, de faire de l’Etat la dernière instance de
l’éthique, est au plus haut point contraire à l’éthique en voulant donner les
individus au fini ; contre toute éthique, on y déserte la catégorie d’individualité
pour passer à celle de génération, d’espèce. [...]
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