Evidemment, beaucoup moins intéressant que l'original, conservé au Musée Idemitsu à Tokyo, mais pas accessible en ligne, excepté quelques extraits.
mercredi 20 juillet 2011
Le rouleau illustré "Bandainagon", une copie conservée à l'Université Gakushûin
Accessible en ligne une copie de l'époque Edo du célèbre rouleau "Bandainagon" - l'histoire du courtisant Tomo - (copie conservée à la bibliothèque de l'Université Gakushûin)
Evidemment, beaucoup moins intéressant que l'original, conservé au Musée Idemitsu à Tokyo, mais pas accessible en ligne, excepté quelques extraits.
Evidemment, beaucoup moins intéressant que l'original, conservé au Musée Idemitsu à Tokyo, mais pas accessible en ligne, excepté quelques extraits.
mardi 19 juillet 2011
Introduction aux grandes théories du Roman, III. Le roman à l'âge classique
Pierre Chartier, Introduction aux grandes théories du roman
III. Le roman à l'âge classique : procès en légitimation
I. Le discours des censeurs classiques : une théorie négative
Tension et contradiction dans les positions des auteurs, lecteurs et théoriciens de l'âge classique :
"écart entre le poids et l'influence de la critique autorisée, s'appuyant sur les principes classiques, et l'évolution des moeurs, des idées et des formes artistiques qui fait une place de plus en plus large au roman, genre en pleine ascension."
Les critiques de Boileau contre le courant précieux
Rôle des romans de Mme de la Fayette : soumettre le roman au vraisemblable et au raisonnable.
Point de vue de Huet et d'Aubignac.
Front de la critique de la préciosité (l'abbé de Pure, La Précieuse - 1656 -, Urfé, Gomberville, La Calprenède, Desmarets, Scudéry) :
à la fois,
Boileau, Les héros de roman, dialogue à la manière de Lucien (écrit en 1665, publié 1710)
1735 : réponse du P.Bougeant au plaidoyer de Lenglet-Dufresnoy, Voyage merveilleux du Prince Fan-Férédin dans la Romancie.
Critique des romans héroïco-galants, critique des romans de l'abbé Prévost, de Crébillon fils et de Lesage.
fond de la critique : identique. Reproche des excès des caractères, des invraisemblances dans l'action, des subtilités dans les sentiments et d'un langage trop précieux.
1671, Charles Sorel, De la connaissance des bons livres ou Examen de plusieurs auteurs,
rôle de Cervantes dans l'abandon du merveilleux à l'oeuvre dans les romans médiévaux.
Mais
Autre ligne argumentaire pour condamner le roman : corruption des moeurs par la peinture de l'amour, de ses charmes et de ses faiblesses.
"Cette peinture choque les bienséances, offense la pudeur des femmes, trouble l'innoncence des jeunes filles, menace la famille et le mariage".
Vraisemblance ou bienséance ?
Préciosité : souci de tenue morale - l'abbé Pure rappelle que le roman est supérieur à l'histoire qui contient des inconvenances choquantes et immorales, alors que le roman a pour vocation de représenter des personnages et des sentiments exceptionnels et sans reproches.
Opposition entre les romans héroïques et galants et les romans picaresques et comiques : les romans précieux sont soumis à une exigence de délicatesse et de bienséance.
Le goût cultivé pour le rare et l'extraordinaire se fait proportionnel d'un refus de ce qui choquerait les convenances (G.May).
Limites d'un tel principe : analyse de Manon Lescaut par Montesquieu :
"Le roman efface tendanciellement la hiérarchie des genres, qui à la même époque gouverne encore le théâtre. Il n'est guère utile, pour les novateurs du roman, de chercher à créer un genre bas ou médiocre qui soit aussi "sérieux", un "drame bourgeois" romanesque, ou une "comédie larmoyante" épique. Le roman est assez souple et divers pour contenir en lui tous les possibles."
(L'intéressant ici dans les remarques de Pierre Chartier, c'est qu'il met en liaison la théorie des genres et la question de la hiérarchie sociale - la conception de l'homme que soutendent les statuts sociaux)
Rf. à Auerbach : "le "réalisme" du roman, sa capacité à susciter l'adhésion et l'émotion du lecteur sans considération du niveau social et moral de l'action qu'il représente ou imite (mimèsis), se situe dans la perspective idéologique du christianisme (...), à ceci près que s'efface à l'âge moderne la traditionnelle mimèsis "figurative" (renvoyant chaque situation représentée à une "figure" supérieure, celle du Christ, modèle transcendant d'humanité) pour une mimèsis à la fois totalement immanente et nullement exemplaire."
L'amour : "terme générique valant généralement pour la représentation purement profane de la vie privée".
Héroïsme ou romanesque galant : excluent les vertus chrétiennes et sont tout entier tournés vers l'amour terrestre.
Roman : pur "divertissement", activité compensatrice ayant des voies religieuses.
Observance des bienséances : purement mondaines
"le roman ne renonce pas à l'amour, il renonce à représenter soit sa réalité "comique", soit son triomphe idéal, et gagne, par son souci d'approfondir les contradictions vécues par l'héroïne, en sérieux, en intériorité, et en capacité de séduction."
Le roman, libre fiction
Quelle attitude adopter face au roman ?
"écart entre le poids et l'influence de la critique autorisée, s'appuyant sur les principes classiques, et l'évolution des moeurs, des idées et des formes artistiques qui fait une place de plus en plus large au roman, genre en pleine ascension."
Je reviens à nos lectures, et sans préjudice de Cléopâtre que j'ai gagé d'achever : vous savez comme je soutiens mes gageures. Je songe quelquefois d'où vient la folie que j'ai pour ces sottises-là ; j'ai peine à le comprendre. Vous vous souvenez peut-être assez de moi pour savoir que je suis assez blessée des mauvais styles ; j'ai quelque lumière pour les bons, et personne n'est plus touché que moi des charmes de l'éloquence. Le style de La Calprenède est maudit en mille endroits : de grandes périodes de roman, de méchants mots, je sens tout cela. J'écrivis l'autre jour une lettre à mon fils dans ce style, qui était fort plaisante. Je trouve donc qu'il est détestable, et je ne laisse pas de m'y prendre comme à de la glu. La beauté des sentiments, la violence des passions, la grandeur des événements, et le succès miraculeux de leur redoutable épée, tout cela m'entraîne comme une petite fille ; j'entre dans leurs affaires ; et si je n'avais M. de La Rochefoucauld et M. d'Hacqueville pour me consoler, je me pendrais de trouver encore en moi cette faiblesse.
Mme de Sévigné, 12 juillet 1671Rappel des condamnations du roman :
- tradition humaniste : de Bellay, Défense et illustration de la langue française, 1549
le roman est "plus propre à bien entretenir damoizelles qu'à doctement écrire"
- radicalisme chrétien : Nicole, Lettre sur l'hérésie imaginaire, 1665 ; le P.Porée, Supérieur jésuite du Collège de Louis le Grand, 1736, harangue sur l'immoralité et la bassesse des romans.
Par leur contagion, ils gâtent tous les genres de la littérature auxquels ils ont quelque rapport. Par leur fécondité, ils gâtent le goût des bonnes lettres, et même des genres auxquels ils ne se rapportent point. (...) ils nuisent doublement aux moeurs, en inspirant le goût du vice et en étouffant les semences de la vertu.
- On retrouve le mépris des romans chez des auteurs comme Voltaire, Diderot ou Laclos :
Si quelques romans nouveau paraissent encore et s'ils font pour un temps l'amusement de la jeunesse frivole, les vrais gens de lettres les méprisent.
Voltaire, Essai sur la poésie lyrique, 1731
de tous les genres d'ouvrages que produit la littérature, il en est peu de moins estimés que celui des romans. (...) Les motifs qu'on en donne sont, d'une part, la facilité du genre, et de l'autre l'inutilité des ouvrages.
Laclos, Compte-rendu de Cecilia, 1784
article roman (1762) , de Jaubert dans l'Encyclopédie,Cependant, on voit se dégager une tendance qui défend le roman :
- L'abbé Desfontaines, traducteur de romans anglais (traducteur de Gulliver)
Un roman bien fait et bien écrit, qui ne blesse point l'honnêteté des moeurs, qui ne roule point sur une fade galanterie, qui renferme une morale fine en action, ou qui réjouit le lecteur par des images plaisantes et des saillies comiques, est vraiment un ouvrage digne d'un homme de lettres, comme un poème épique, une tragédie, une comédie, un opéra.
Observations sur les Modernes, 1742
- Sébastien Mercier,
Un écrivain qui n'a pas su faire un roman me paraît n'être point entré dans la carrière des lettres par l'impulsion du génie.
Mon bonnet de nuit, 1786II. Le roman, corrupteur du goût
Les critiques de Boileau contre le courant précieux
Dans un roman frivole aisément tout s'excuse ;Le principal reproche contre le roman : il corrompt le goût parce qu'il est tâché d'invraisemblances, d'irréalisme et se complaît dans un jargon ridicule et incompréhensible.
C'est assez qu'en courant la fiction amuse :
Trop de rigueur alors serait hors de saison.
Rôle des romans de Mme de la Fayette : soumettre le roman au vraisemblable et au raisonnable.
Point de vue de Huet et d'Aubignac.
Front de la critique de la préciosité (l'abbé de Pure, La Précieuse - 1656 -, Urfé, Gomberville, La Calprenède, Desmarets, Scudéry) :
à la fois,
- Boileau, Molière, Bossuet
- Sorel, Furetière
Boileau, Les héros de roman, dialogue à la manière de Lucien (écrit en 1665, publié 1710)
Au lieu que d'Urfé dans son Astrée, de Bergers très frivoles, avait fait des Héros de Roman considérables, ces Auteurs au contraire, des Héros les plus considérables de l'Histoire firent des Bergers très frivoles, et quelquefois même des Bourgeois encore plus frivoles que ces Bergers.Permanence de la critique du goût précieux
1735 : réponse du P.Bougeant au plaidoyer de Lenglet-Dufresnoy, Voyage merveilleux du Prince Fan-Férédin dans la Romancie.
Critique des romans héroïco-galants, critique des romans de l'abbé Prévost, de Crébillon fils et de Lesage.
fond de la critique : identique. Reproche des excès des caractères, des invraisemblances dans l'action, des subtilités dans les sentiments et d'un langage trop précieux.
1671, Charles Sorel, De la connaissance des bons livres ou Examen de plusieurs auteurs,
rôle de Cervantes dans l'abandon du merveilleux à l'oeuvre dans les romans médiévaux.
Mais
Quoiqu'ils ne racontent ni fables ni enchantements, ils ne laissent pas de nous rapporter beaucoup de choses absurdes, tellement que leurs ouvrages peuvent passer pour des Romans qui sont pour le moins aussi Romans que tous les autres.III. Le roman, peinture de l'amour
Autre ligne argumentaire pour condamner le roman : corruption des moeurs par la peinture de l'amour, de ses charmes et de ses faiblesses.
"Cette peinture choque les bienséances, offense la pudeur des femmes, trouble l'innoncence des jeunes filles, menace la famille et le mariage".
Vraisemblance ou bienséance ?
Préciosité : souci de tenue morale - l'abbé Pure rappelle que le roman est supérieur à l'histoire qui contient des inconvenances choquantes et immorales, alors que le roman a pour vocation de représenter des personnages et des sentiments exceptionnels et sans reproches.
Opposition entre les romans héroïques et galants et les romans picaresques et comiques : les romans précieux sont soumis à une exigence de délicatesse et de bienséance.
Le goût cultivé pour le rare et l'extraordinaire se fait proportionnel d'un refus de ce qui choquerait les convenances (G.May).
Limites d'un tel principe : analyse de Manon Lescaut par Montesquieu :
J'ai lu (...) Manon Lescaut, roman composé par le P.Prévost. Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon, et l'héroïne, une catin qui est menée à la Salpétrière, plaise ; parce que toutes les mauvaises actions du héros, le chevalier des Grieux, ont pour motif l'amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse. Manon aime aussi ; ce qui lui fait pardonner le reste de son caractère."
Montesquieu, Mes Pensées, 6 avril 1734Ici, se heurtent la critique morale et esthétique qui reposent sur un préjugé aristocratique (cf.théorie des genres d'Aristote) et le roman qui se définit comme un "non-genre non-codifiable aux vertus égalitaires."
"Le roman efface tendanciellement la hiérarchie des genres, qui à la même époque gouverne encore le théâtre. Il n'est guère utile, pour les novateurs du roman, de chercher à créer un genre bas ou médiocre qui soit aussi "sérieux", un "drame bourgeois" romanesque, ou une "comédie larmoyante" épique. Le roman est assez souple et divers pour contenir en lui tous les possibles."
(L'intéressant ici dans les remarques de Pierre Chartier, c'est qu'il met en liaison la théorie des genres et la question de la hiérarchie sociale - la conception de l'homme que soutendent les statuts sociaux)
Rf. à Auerbach : "le "réalisme" du roman, sa capacité à susciter l'adhésion et l'émotion du lecteur sans considération du niveau social et moral de l'action qu'il représente ou imite (mimèsis), se situe dans la perspective idéologique du christianisme (...), à ceci près que s'efface à l'âge moderne la traditionnelle mimèsis "figurative" (renvoyant chaque situation représentée à une "figure" supérieure, celle du Christ, modèle transcendant d'humanité) pour une mimèsis à la fois totalement immanente et nullement exemplaire."
L'amour : "terme générique valant généralement pour la représentation purement profane de la vie privée".
Héroïsme ou romanesque galant : excluent les vertus chrétiennes et sont tout entier tournés vers l'amour terrestre.
Roman : pur "divertissement", activité compensatrice ayant des voies religieuses.
Observance des bienséances : purement mondaines
"le roman ne renonce pas à l'amour, il renonce à représenter soit sa réalité "comique", soit son triomphe idéal, et gagne, par son souci d'approfondir les contradictions vécues par l'héroïne, en sérieux, en intériorité, et en capacité de séduction."
Le roman, libre fiction
Quelle attitude adopter face au roman ?
- face aux attaques des rigoristes religieux, modération de certains : "un roman n'est pas plus dangereux que le bal, la comédie, la promenade et les jeux d'exercice." (l'abbé Irailh)
- De même, La Fontaine, dans les Amours de Psyché (1668), "Si vous avez des filles, laissez-les lire car la Nature sert d'Astrée, et la prudence des mères ne fait que rendre les filles plus sottes en matière d'amour."
- Chez Boileau, distinction entre son attitude envers les romans et envers le théâtre : hiérarchie tragédie (légitimée par les grands auteurs anciens et Aristote), la comédie (genre ambigu, partagé entre la comédie de bonne tenue et la farce) et le roman, non-genre sans légitimité.
"Fiction sans règles, le roman classique ne peut se revendiquer d'aucun "vraisemblable de genre", c'est-à-dire d'aucune légitimité, à l'image de la tragédie, avec laquelle il lui arrive de réaliser, ou encore à l'instar de la comédie et de la satire, dont il est souvent proche."
lundi 4 juillet 2011
Jean-Marie Schaeffer, Petite écologie des études littéraires, à propos de la poésie
"Prise de notes de quelques pages à la fin du petit volume de J-M. Schaeffer sur la lecture de la poésie.
Schaeffer s'intéresse ici à ce qui appelle "les caractéristiques constitutives de l'expérience de lecture poétique".
Présupposé : "la relation esthétique est une conduite humaine dont l'enjeu central est l'attention (perceptive, langagière, etc.) elle-même, dans son déroulement".
Critère de réussite ou non de l'expérience esthétique : "la qualité satisfaisante ou non du processus attentionnel que nous investissons dans cet objet".
L'attention est alors "autoreconductrice". cf. Kant.
Les qualités de l'objet dans l'expérience esthétique ont un "rôle indirect" : "elles ne comptent que pour autant que la façon dont elles sont traitées par l'attention est satisfaisante."
Conséquence : fondement subjectif de toute appréciation esthétique.
"Modalités spécifiquement esthétiques de l'attention" : "la lecture esthétique implique l'adoption d'une stratégie attentionnelle différente de celle de la communication linguistique pragmatique."
Communication linguistique normale (pragmatique) : fondée sur un principe d'économie : comprendre le plus rapidement possible, en dépensant le moins d'énergie attentionnelle possible.
En fonction de ce principe, la matérialité sonore du signal, le rythme ou ses caractéristiques stylistiques sont négligés.
"En revanche, dans le cadre de la relation esthétique, comme c'est l'attention elle-même (...) qui est le but de la conduite, celle-ci n'obéit plus au principe d'économie, mais maximalise au contraire l'investissement attentionnel."
"La poésie manifeste de manière particulièrement claire cette transformation de l'économie de traitement des informations, puisqu'elle focalise l'attention sur des propriétés qui n'ont, en dehors de son champ, qu'un lien purement conventionnel avec le "contenu"."
Notion genettienne de "diction" : surinvestissement "formel".
Poésie : "allongement du traitement cognitif" dont "le coût est compensé par le plaisir propre que provoquent, chez la plupart des humains, les jeux d'assonances ou de rimes, la musicalité des rythmes, les jeux métaphoriques, etc."
"Retard de catégorisation, c'est-à-dire un retard dans l'activité de synthèse herméneutique", retard "vécu comme une dissonance".
"Le degré de tolérance à l'égard de ce genre de dissonance définit deux styles cognitifs opposés."
"Plus une personne est capable de supporter un degré élevé de dissonance cognitive, plus elle sera à même de retirer de la satisfaction de la poésie."
Mais cette richesse "formelle" de la poésie s'articule sur une richesse herméneutique : "le coeur de tout poème réside dans ses potentialités d'évocation émotive, dans sa capacité à mettre en oeuvre les "possibilités existentiales de la disposition affective."
"Le poème active les potentialités herméneutiques propres aux sons, aux rythmes et aux images en les démultipliant par les échos qui se répondent d'une strate à l'autre. Il donne ainsi naissance à une richesse et une subtilité herméneutiques qui débordent toujours ce qui est dicible et explicitable au niveau proprement propositionnel."
"A travers l'art le plus consommé de la langue comme forme, la parole poétique nous met en contact avec une compréhension plus élémentaire, et plus fondamentale en même temps, de notre être au monde : une compréhension qui prend la forme d'un paysage affectif sculpté par la parole, mais qui (re)naît dans le lecteur par un phénomène de résonnance, consonante ou dissonante, inaccessible à toute explication analytique."
Conséquence : fondement subjectif de toute appréciation esthétique.
"Modalités spécifiquement esthétiques de l'attention" : "la lecture esthétique implique l'adoption d'une stratégie attentionnelle différente de celle de la communication linguistique pragmatique."
Communication linguistique normale (pragmatique) : fondée sur un principe d'économie : comprendre le plus rapidement possible, en dépensant le moins d'énergie attentionnelle possible.
En fonction de ce principe, la matérialité sonore du signal, le rythme ou ses caractéristiques stylistiques sont négligés.
"En revanche, dans le cadre de la relation esthétique, comme c'est l'attention elle-même (...) qui est le but de la conduite, celle-ci n'obéit plus au principe d'économie, mais maximalise au contraire l'investissement attentionnel."
"La poésie manifeste de manière particulièrement claire cette transformation de l'économie de traitement des informations, puisqu'elle focalise l'attention sur des propriétés qui n'ont, en dehors de son champ, qu'un lien purement conventionnel avec le "contenu"."
Notion genettienne de "diction" : surinvestissement "formel".
Poésie : "allongement du traitement cognitif" dont "le coût est compensé par le plaisir propre que provoquent, chez la plupart des humains, les jeux d'assonances ou de rimes, la musicalité des rythmes, les jeux métaphoriques, etc."
"Retard de catégorisation, c'est-à-dire un retard dans l'activité de synthèse herméneutique", retard "vécu comme une dissonance".
"Le degré de tolérance à l'égard de ce genre de dissonance définit deux styles cognitifs opposés."
"Plus une personne est capable de supporter un degré élevé de dissonance cognitive, plus elle sera à même de retirer de la satisfaction de la poésie."
Mais cette richesse "formelle" de la poésie s'articule sur une richesse herméneutique : "le coeur de tout poème réside dans ses potentialités d'évocation émotive, dans sa capacité à mettre en oeuvre les "possibilités existentiales de la disposition affective."
"Le poème active les potentialités herméneutiques propres aux sons, aux rythmes et aux images en les démultipliant par les échos qui se répondent d'une strate à l'autre. Il donne ainsi naissance à une richesse et une subtilité herméneutiques qui débordent toujours ce qui est dicible et explicitable au niveau proprement propositionnel."
"A travers l'art le plus consommé de la langue comme forme, la parole poétique nous met en contact avec une compréhension plus élémentaire, et plus fondamentale en même temps, de notre être au monde : une compréhension qui prend la forme d'un paysage affectif sculpté par la parole, mais qui (re)naît dans le lecteur par un phénomène de résonnance, consonante ou dissonante, inaccessible à toute explication analytique."
samedi 2 juillet 2011
Maurice Godelier, liens sur internet : vidéos
Une série de vidéos de cours de Maurice Godelier sur internet.
(avec pas mal de liens morts)
http://www.ethno-info.com/index.php?id=282
Sur dailymotion, une suite de vidéos : le politico-religieux au fondement des sociétés.
http://www.dailymotion.com/video/x94fzl_le-politico-religieux-au-fondement_news
http://www.ethno-info.com/index.php?id=282
Sur dailymotion, une suite de vidéos : le politico-religieux au fondement des sociétés.
http://www.dailymotion.com/video/x94fzl_le-politico-religieux-au-fondement_news
En anglais, une contribution de Godelier dans une série de conférences nommée la fin de l'anthropologie, à l'Institut Frobenius à Franckfort
The End of Anthropology" is the title of the Jensen Memorial-Lectures given in summer term 2008 at the Goethe-University, Frankfurt on the Main/Germany.
L'imaginaire et le symbolique, Maurice Godelier, Au fondement des sociétés humaines
Prise de notes d'un extrait de l'introduction de Au fondement des sociétés humaines, de Maurice Godelier.
Problème qui intéresse Godelier, c'est la question de l'efficacité de l'imaginaire (comment des représentations que "nous" considérons comme imaginaires peuvent avoir une efficacité réelle dans le réel, en particulier au niveau social et politique ; comment s'incarnant à travers le symbolique, les représentations imaginaires modèlent nos comportements)
Point de départ de la réflexion : la présence "au coeur de tous les rapports humaines (...) de noyaux de "réalités imaginaires" (...) leur donnant sens et s'incarnant dans des institutions et des pratiques symboliques."
Nécessité de débrouiller "une grande confusion théorique" entourant ces deux notions.
"L'imaginaire, c'est de la pensée. C'est l'ensemble des représentations que les humains se sont faites et se font (...). L'imaginaire, c'est d'abord un monde idéel, fait d'idées, d'images et de représentations (...). Or, comme toute représentation est en même temps le produit d'une interprétation de ce qu'elle représente, l'Imaginaire c'est l'ensemble des interprétations (religieuses, scientifiques, littéraires) que l'Humanité a inventées pour s'expliquer l'ordre ou le désordre dans l'univers ou dans la société, et pour en tirer des leçons quant à la manière dont les humains doivent se comporter entre eux et vis-à-vis du monde qui les entoure. Le domaine de l'Imaginaire est donc bien un monde réel mais composé de réalités mentales (images, idées, jugements, raisonnements, intentions) que nous appelerons globalement des réalités idéelles (...).
"Le domaine du Symbolique, c'est l'ensemble des moyens et des processus par lesquels des réalités idéelles s'incarnent à la fois dans des réalités matérielles et des pratiques qui leur confèrent un mode d'existence concrète, visible, sociale. C'est en s'incarnant dans des pratiques et des objets qui le symbolisent que l'Imaginaire peut agir non seulement sur les rapports sociaux déjà existants entre les individus et les groupes, mais être aussi à l'origine de nouveaux rapports entre eux qui modifient ou remplacent ceux qui existaient auparavant."
Exemple de l'Egypte antique et de la conception du pharaon, "pensé et vécu comme un dieu vivant parmi les hommes."
"Le fait de souligner le caractère imaginaire (pour nous) de ces représentations et de ces pratiques symboliques ne doit pas faire oublier que leurs conséquences sociales n'étaient pas, elles, ni imaginaires ni purement symboliques."
(...)
"C'est donc toute la question des rapports entre violence et consentement dans la genèse et la perpétuation des rapports de domination et d'exploitation caractéristiques des sociétés inégalitaires qui se trouve à la fois posée et éclairée par le jeu des liens entre l'Imaginaire et le Symbolique dans la production des rapports sociaux."
Critique de l'opposition entre anthropologie culturelle et anthropologie sociale : impossibilité de séparer l'étude des rapports sociaux de l'étude des représentations, l'imaginaire à travers son incarnation symbolique étant un acteur central des rapports sociaux.
" Ceci tout simplement parce qu'un rapport social, quel qu'il soit, ne saurait naître ni se reproduire sans qu'il ait un sens (ou plusieurs) pour ceux qui le produisent comme pour ceux qui le reproduisent."
(à compléter)
Problème qui intéresse Godelier, c'est la question de l'efficacité de l'imaginaire (comment des représentations que "nous" considérons comme imaginaires peuvent avoir une efficacité réelle dans le réel, en particulier au niveau social et politique ; comment s'incarnant à travers le symbolique, les représentations imaginaires modèlent nos comportements)
Point de départ de la réflexion : la présence "au coeur de tous les rapports humaines (...) de noyaux de "réalités imaginaires" (...) leur donnant sens et s'incarnant dans des institutions et des pratiques symboliques."
Nécessité de débrouiller "une grande confusion théorique" entourant ces deux notions.
"L'imaginaire, c'est de la pensée. C'est l'ensemble des représentations que les humains se sont faites et se font (...). L'imaginaire, c'est d'abord un monde idéel, fait d'idées, d'images et de représentations (...). Or, comme toute représentation est en même temps le produit d'une interprétation de ce qu'elle représente, l'Imaginaire c'est l'ensemble des interprétations (religieuses, scientifiques, littéraires) que l'Humanité a inventées pour s'expliquer l'ordre ou le désordre dans l'univers ou dans la société, et pour en tirer des leçons quant à la manière dont les humains doivent se comporter entre eux et vis-à-vis du monde qui les entoure. Le domaine de l'Imaginaire est donc bien un monde réel mais composé de réalités mentales (images, idées, jugements, raisonnements, intentions) que nous appelerons globalement des réalités idéelles (...).
"Le domaine du Symbolique, c'est l'ensemble des moyens et des processus par lesquels des réalités idéelles s'incarnent à la fois dans des réalités matérielles et des pratiques qui leur confèrent un mode d'existence concrète, visible, sociale. C'est en s'incarnant dans des pratiques et des objets qui le symbolisent que l'Imaginaire peut agir non seulement sur les rapports sociaux déjà existants entre les individus et les groupes, mais être aussi à l'origine de nouveaux rapports entre eux qui modifient ou remplacent ceux qui existaient auparavant."
Exemple de l'Egypte antique et de la conception du pharaon, "pensé et vécu comme un dieu vivant parmi les hommes."
"Le fait de souligner le caractère imaginaire (pour nous) de ces représentations et de ces pratiques symboliques ne doit pas faire oublier que leurs conséquences sociales n'étaient pas, elles, ni imaginaires ni purement symboliques."
(...)
"C'est donc toute la question des rapports entre violence et consentement dans la genèse et la perpétuation des rapports de domination et d'exploitation caractéristiques des sociétés inégalitaires qui se trouve à la fois posée et éclairée par le jeu des liens entre l'Imaginaire et le Symbolique dans la production des rapports sociaux."
Critique de l'opposition entre anthropologie culturelle et anthropologie sociale : impossibilité de séparer l'étude des rapports sociaux de l'étude des représentations, l'imaginaire à travers son incarnation symbolique étant un acteur central des rapports sociaux.
" Ceci tout simplement parce qu'un rapport social, quel qu'il soit, ne saurait naître ni se reproduire sans qu'il ait un sens (ou plusieurs) pour ceux qui le produisent comme pour ceux qui le reproduisent."
(à compléter)
vendredi 1 juillet 2011
Hugo Friedrich, Structure de la poésie moderne, chapitre I - Premier regard sur la poésie des temps présents (V)
Le romantisme français
Au-delà de son existence brève, rôle central du romantisme français :
"Le romantisme est une bénédiction céleste - ou diabolique - à laquelle nous devons nos éternelles stigmates." (Baudelaire, 1859)
"La poésie moderne est un romantisme déromantisé". (Friedrich)
Rupture avec la culture et l'art de vivre depuis l'antiquité pour qui la joie représentait le sommet spirituel,
mal du siècle, sentiment de décadence, la mélancolie cultivée pour elle-même, idée de néant.
Angoisse devant l'étrange.
Reprise du thème du poète comme voyant incompris, comme prêtre.
Littérature comme littérature d'opposition.
Valorisation de la poésie :
La poésie comme langue primitive de l'humanité, exprimant la totalité de l'être.
"C'est ici que commence cette poésie si lourde de conséquence pour les Temps modernes, une poésie fondée sur le langage, saisie d'un élan qui réside dans le mot lui-même."
Hugo (Contemplations) : "le mot est un être vivant, plus puissant que celui qui l'emploie ; jailli de l'obscurité, il fait à son gré naître une signification nouvelle. Il est lui-même ce qu'attendent en dehors de lui les pensées, les visions, les sensations. Plus que cela encore, il est la couleur, la nuit, la joie, le rêve, l'amertume, l'océan, l'infini."
Théorie du grotesque et du fragment
Théorie du grotesque : esquissée par Diderot dans le Neveu, développée par Hugo dans la préface de Cromwell (1827), texte qui trouve son origine intellectuelle dans les déclarations de Schegel sur le Witz et l'ironie.
Grotesque : concept d'abord pictural s'élargissant dès le XVIIe.
Théorie du grotesque de Hugo : "pas pour combler l'abîme qui sépare le Beau du Laid."
"Victor Hugo par du concept d'un monde essentiellement déchiré par des valeurs antinomiques, et qui ne peut s'affirmer en tant qu'unité que sur la base de ces contradictions internes."
Le laid devient une valeur en soi ; laid, comme incomplet et discordant.
"Ce caractère incomplet est cependant "le moyen le mieux approprié pour parvenir à l'harmonie" (mais ce qui s'appelle ici harmonie est en fait dis-harmonie, le concept de "fragment")
Le grotesque, faisant voler en éclats l'apparence des choses, "montre que le "Grand Tout" ne nous est accessible que sous forme fragmentaire, car le Tout n'est pas accordé aux mesures humaines." (Ici le Grand Tout n'est pas défini et s'apparente à une transcendance vide).
Au rire se substituent le rictus et le frisson de l'inquiétude.
Au-delà de son existence brève, rôle central du romantisme français :
"Le romantisme est une bénédiction céleste - ou diabolique - à laquelle nous devons nos éternelles stigmates." (Baudelaire, 1859)
"La poésie moderne est un romantisme déromantisé". (Friedrich)
Rupture avec la culture et l'art de vivre depuis l'antiquité pour qui la joie représentait le sommet spirituel,
mal du siècle, sentiment de décadence, la mélancolie cultivée pour elle-même, idée de néant.
Angoisse devant l'étrange.
Reprise du thème du poète comme voyant incompris, comme prêtre.
Littérature comme littérature d'opposition.
Valorisation de la poésie :
La poésie comme langue primitive de l'humanité, exprimant la totalité de l'être.
"C'est ici que commence cette poésie si lourde de conséquence pour les Temps modernes, une poésie fondée sur le langage, saisie d'un élan qui réside dans le mot lui-même."
Hugo (Contemplations) : "le mot est un être vivant, plus puissant que celui qui l'emploie ; jailli de l'obscurité, il fait à son gré naître une signification nouvelle. Il est lui-même ce qu'attendent en dehors de lui les pensées, les visions, les sensations. Plus que cela encore, il est la couleur, la nuit, la joie, le rêve, l'amertume, l'océan, l'infini."
Théorie du grotesque et du fragment
Théorie du grotesque : esquissée par Diderot dans le Neveu, développée par Hugo dans la préface de Cromwell (1827), texte qui trouve son origine intellectuelle dans les déclarations de Schegel sur le Witz et l'ironie.
Grotesque : concept d'abord pictural s'élargissant dès le XVIIe.
Théorie du grotesque de Hugo : "pas pour combler l'abîme qui sépare le Beau du Laid."
"Victor Hugo par du concept d'un monde essentiellement déchiré par des valeurs antinomiques, et qui ne peut s'affirmer en tant qu'unité que sur la base de ces contradictions internes."
Le laid devient une valeur en soi ; laid, comme incomplet et discordant.
"Ce caractère incomplet est cependant "le moyen le mieux approprié pour parvenir à l'harmonie" (mais ce qui s'appelle ici harmonie est en fait dis-harmonie, le concept de "fragment")
Le grotesque, faisant voler en éclats l'apparence des choses, "montre que le "Grand Tout" ne nous est accessible que sous forme fragmentaire, car le Tout n'est pas accordé aux mesures humaines." (Ici le Grand Tout n'est pas défini et s'apparente à une transcendance vide).
Au rire se substituent le rictus et le frisson de l'inquiétude.
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