lundi 4 juillet 2011

Jean-Marie Schaeffer, Petite écologie des études littéraires, à propos de la poésie

"Prise de notes de quelques pages à la fin du petit volume de J-M. Schaeffer sur la lecture de la poésie.

Schaeffer s'intéresse ici à ce qui appelle "les caractéristiques constitutives de l'expérience de lecture poétique".

Présupposé : "la relation esthétique est une conduite humaine dont l'enjeu central est l'attention (perceptive, langagière, etc.) elle-même, dans son déroulement".

Critère de réussite ou non de l'expérience esthétique : "la qualité satisfaisante ou non du processus attentionnel que nous investissons dans cet objet".
L'attention est alors "autoreconductrice". cf. Kant.
Les qualités de l'objet dans l'expérience esthétique ont un "rôle indirect" : "elles ne comptent que pour autant que la façon dont elles sont traitées par l'attention est satisfaisante."
Conséquence : fondement subjectif de toute appréciation esthétique.

"Modalités spécifiquement esthétiques de l'attention" : "la lecture esthétique implique l'adoption d'une stratégie attentionnelle différente de celle de la communication linguistique pragmatique."

Communication linguistique normale (pragmatique) : fondée sur un principe d'économie : comprendre le plus rapidement possible, en dépensant le moins d'énergie attentionnelle possible.
En fonction de ce principe, la matérialité sonore du signal, le rythme ou ses caractéristiques stylistiques sont négligés.

"En revanche, dans le cadre de la relation esthétique, comme c'est l'attention elle-même (...) qui est le but de la conduite, celle-ci n'obéit plus au principe d'économie, mais maximalise au contraire l'investissement attentionnel."

"La poésie manifeste de manière particulièrement claire cette transformation de l'économie de traitement des informations, puisqu'elle focalise l'attention sur des propriétés qui n'ont, en dehors de son champ, qu'un lien purement conventionnel avec le "contenu"."
Notion genettienne de "diction" : surinvestissement "formel".

Poésie : "allongement du traitement cognitif" dont "le coût est compensé par le plaisir propre que provoquent, chez la plupart des humains, les jeux d'assonances ou de rimes, la musicalité des rythmes, les jeux métaphoriques, etc."
"Retard de catégorisation, c'est-à-dire un retard dans l'activité de synthèse herméneutique", retard "vécu comme une dissonance".

"Le degré de tolérance à l'égard de ce genre de dissonance définit deux styles cognitifs opposés."
"Plus une personne est capable de supporter un degré élevé de dissonance cognitive, plus elle sera à même de retirer de la satisfaction de la poésie."

Mais cette richesse "formelle" de la poésie s'articule sur une richesse herméneutique : "le coeur de tout poème réside dans ses potentialités d'évocation émotive, dans sa capacité à mettre en oeuvre les "possibilités existentiales de la disposition affective."

"Le poème active les potentialités herméneutiques propres aux sons, aux rythmes et aux images en les démultipliant par les échos qui se répondent d'une strate à l'autre. Il donne ainsi naissance à une richesse et une subtilité herméneutiques qui débordent toujours ce qui est dicible et explicitable au niveau proprement propositionnel."

"A travers l'art le plus consommé de la langue comme forme, la parole poétique nous met en contact avec une compréhension plus élémentaire, et plus fondamentale en même temps, de notre être au monde : une compréhension qui prend la forme d'un paysage affectif sculpté par la parole, mais qui (re)naît dans le lecteur par un phénomène de résonnance, consonante ou dissonante, inaccessible à toute explication analytique."


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