mardi 21 juin 2011

Hugo Friedrich, Structure de la poésie moderne, chapitre I - Premier regard sur la poésie des temps présents

Prise de notes de l'ouvrage de Hugo Friedrich, Structure de la poésie moderne (1956)


Friedrich part d'un double constat : difficulté de la poésie européenne du XXe mais aussi "surprenante richesse".


Caractère commun de la poésie du XXe siècle : l'obscurité, source de fascination et de déconcertation pour le lecteur.
 "La poésie peut être transmise avant même d'être comprise." (T.S.Eliot)

Fascination exercée par la magie verbale, le mystère / désorientation de l'entendement = dissonance, tension provoquée dans l'esprit du lecteur, inquiétude.
Remarque de Stravinsky, tirée de sa Poétique musicale, affirmant la valeur intrinsèque de la dissonance : "Rien ne nous oblige à chercher notre satisfaction dans l'apaisement. Depuis plus d'un siècle, les exemples s'accumulent d'un style où la dissonance s'affirme en pleine liberté La dissonance est devenue un élément en soi."


Revendication de l'obscurité :
Baudelaire : "gloire à ne pas être compris".

Gottfrieb Benn : l'acte d'écrire consiste à "élever les choses décisives jusqu'à la langue de l'incompréhensible, se consacrer à des choses qui ont mérité que l'on ne veuille en convaincre personne."
Montale : "Personne n'écrirait plus de poésie si le problème était de se rendre compréhensible."


"Le poème prétend plutôt se présenter comme une structure se suffisant à elle-même, multiple dans le rayonnement de ses significations, composée d'un réseau de tensions et de forces absolues qui exercent une action indirecte sur les couches de l'être qui n'ont pas encore accès au monde rationnel et qui enfin mettent en mouvement l'auréole sémantique qui enveloppe les concepts."


Autres procédés instaurant cette tension due aux dissonances : 
- aspects archaïques, mystique, occulte / extrême intellectualité, 
- simplicité de l'expression / complexité du contenu
...
La poésie moderne face aux réalités : les conduire jusqu'au domaine de l'inhabituel, les rendre étrangères et les déformer.
Réalité détachée de l'ordre du temps, de l'espace, des éléments concrets ou de ceux de l'âme.


Refus de la conception romantique de la poésie lyrique comme "demeure de l'âme" que le lecteur vient partager avec les autres âmes sensibles.


Déshumanisation du poète lui-même, réduit à une "intelligence appliquée à l'acte poétique", à "un opérateur travaillant sur la langue".
Poète devenu une "voix multiple et absolue de la pure subjectivité".
Gottfried Benn : "L'âme ? Je n'en ai pas."


Aspect agressivement dramatique de la poésie moderne : 
- rapports établis entre les thèmes et les sujets se heurtant, entre thèmes et écriture, 
- agressivité dans la relation au lecteur


Nature de la langue poétique :
- par nature, différente de la langue normale, vouée à la communication. 
Mais la différence qui était une différence de degré jusqu'à la 1ère moitié du XIXe, devient de nature.
"La langue poétique prend le caractère d'une tentative expérimentale d'où surgissent des combinaisons qui n'ont pas été déterminées par le sens du poème, mais qui, au contraire, le font naître."
Langage qui "ne communique plus un objet."


"A-normalité" de la poésie contemporaine : contrairement aux ruptures d'écriture précédentes, la poésie contemporaine reste "inassimilable" (Mallarmé, Rimbaud).

Méthodologie : docilité à la logique du poème.
"La connaissance de cette poésie admet cette compréhension difficile ou impossible comme l'une des premières caractéristiques de cette volonté stylistique."
"La connaissance de cette poésie doit finir pourtant par suivre la multiplicité des significations des textes en se conformant elle-même au processus que ces textes veulent déclencher chez le lecteur : ce processus est celui des tentatives d'interprétations qui contraignent le lecteur à poursuivre jusqu'à l'infini l'acte créateur et qui le mènent jusqu'aux champs de l'Ouvert."




 

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