Molière, cible des dévots
(Suite)
Querelle de Tartuffe (1664-1669)
12 mai 1664 : Les plaisirs de l'île enchantée, représentation de la première version de Tartuffe, en 3 actes.
La Compagnie du Saint-Sacrement et le parti dévot autour de la reine mère poussent l'interdiction de toute réprésentation publique : Tartuffe dans la pièce est un ecclésiastique.
Défense de Molière : Premier placet au roi, 1664 : repli derrière l'argument traditionnel de défense de la comédie par son utilité morale : "castigat ridendo mores" (Jean-Baptiste Santeul)
Pour défendre sa pièce (?), Molière donne l'année suivante Dom Juan ou le Festin de pierre (1665) : portrait d'un "grand seigneur méchant homme".
Par le châtiment final, montrer que la comédie peut donner à rire de tous les sujets en restant morale.
Mais la stratégie de Molière échoue : nouvelle attaque du parti dévot :
Observations sur une comédie de Molière intitulée le Festin de Pierre (1665) : la pièce est accusée d'être une école d'athéisme, la religion étant discréditée par le caractère ridicule de son défenseur, Sganarelle. On trouve ausssi des attaques contre l'Ecole des femmes et contre Tartuffe (" l'hypocrite et le dévot ont une même apparence, ce n'est qu'une même chose dans le public. ")
" Mais qui peut supporter la hardiesse d'un farceur qui fait plaisanterie de la religion, qui tient école de libertinage, et qui rend la majesté de Dieu le jouet d'un maître et d'un valet de théâtre, d'un athée qui s'en rit, et d'un valet, plus impie que son maître, qui en fait rire les autres ?"
Molière, destructeur de l'oeuvre de Richelieu :
" Molière a ruiné tout ce que ce sage politique avait ordonné en faveur de la comédie, et d'une fille vertueuse il en a fait une hypocrite. "
Le prince de Conti : Avertissement aux Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles et Traité de la comédie (1666)
Molière est ainsi forcé de censurer sa pièce dès la deuxième représentation : scène du pauvre (III, 2). La pièce est retirée après 15 représentations et n'est pas reprise du vivant de l'auteur.
5 août 1667 : version remaniée de Tartuffe en 5 actes, intitulée l'Imposteur : le héros est devenu Panulphe, homme d'épée. Le lendemain, le président Lamoignon fait interdire la pièce.
20 août 1667 : Lettre sur la comédie de l'Imposteur, adressée au roi : esthétique du ridicule, i-e "manque de convenance entre la galanterie réelle de l'hypocrite et sa mortification affichée".
1669 : la pièce est enfin représentée en public. Version imprimée précédée d'une préface : retour sur l'argument de l'utilité du ridicule et de la satire pour corriger les vices.
"Les plus beaux traits d'une sérieuse morale sont moins puissants, le plus souvent, que ceux de la satire ; et rien ne reprend mieux la plupart des hommes que la peinture de leurs défauts. C'est une grande atteinte aux vices que de les exposer à la risée de tout le monde. On souffre aisément des repréhensions ; mais on ne souffre point la raillerie. On veut bien être méchant, mais on ne veut point être ridicule."
Pour Génetiot,"le repli sur l'argument d'utilité est donc une concession arrachée sous la pression de ses adversaires dans un débat politique et religieux extrêmement dangereux."
Dans la suite de son oeuvre, Molière se garde d'aborder de nouveau les sujets à portée directement sociale ou religieuse pour se replier sur le domaine psychologique de la peinture des caractères monomaniaques et extravagants.
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