Originalité de Grice par rapport aux philosophes du langage (Austin et Searle) qui insistent sur l'aspect conventionnel du langage : faire une place aux processus inférentiels.
Grice et la notion de signification non-naturelle
Point de départ : la polysémie du verbe to mean en anglais :
- "indiquer"
- "signifier"
- "vouloir dire"
- "La sonnerie du bus indique son départ.", "Les boutons de Paul signifient qu'il a la varicelle."
- "En disant à Paul "Ta chambre est une porcherie", Jean voulait dire "La chambre de Paul est sale et mal rangée"".
- Série 2 : signification non-naturelle : lien entre des contenus que les locuteurs veulent transmettre et les phrases utilisées pour les transmettre. C'est-à-dire que la saisie de la signification non-naturelle nécessite un acte d'interprétation.
La sonnerie de bus et les boutons de Paul ne sont pas liés au départ du bus ou à la varicelle par l'interprétation qu'on en fait.
Grice insiste sur les intentions du locuteur et sur la reconnaissance de ces intentions par l'interlocuteur,
mais, contrairement à Searle, il n'assied pas cette reconnaissance sur la signification conventionnelle.
Pour Searle, le locuteur d'une phrase a une double intention :
- communiquer le contenu de sa phrase.
- faire reconnaître cette première intention en vertu des règles conventionnelles qui gouvernent l'interprétation de cette phrase dans la langue commune.
Searle et Grice se distinguent autour de la place de la signification conventionnelle.
Pour Grice, trois aspects :
- la signification (conventionnelle)
- l'indication
- le vouloir dire
- l'indication (la signification naturelle)
- la signification conventionnelle,
Grice et la logique de la conversation
Approche non exclusivement conventionnaliste de la production et de l'interprétation des phrases.
Introduit deux notions importantes :
- l'implicature
- le principe de coopération
- la phrase : suite de mots que Pierre, Paul ou Jacques peuvent prononcer dans des circonstances différentes.
- l'énoncé : le résultat qui varie suivant les circonstances et les locuteurs.
Grice suppose que les interlocuteurs qui participent à une conversation commune respectent le principe de coopération : attente partagée de ce que chacun contribue à la conversation de manière rationnelle et coopérative pour faciliter l'interprétation des énoncés.
Ce principe correspond à 4 maximes :
- maxime de quantité : chaque contribution d'un locuteur contient autant d'information qu'il est nécessaire et pas plus.
- maxime de qualité : sincérité du locuteur qui a de bonnes raisons de dire ce qu'il affirme.
- maxime de relation / de la pertinence : parler à propos.
- maxime de la manière : on s'exprime clairement, sans ambiguïté, dans la mesure du possible, en respectant l'ordre dans lequel les informations doivent être données pour être comprises.
Implicature :
Dans le cadre de la signification non-naturelle, l'interprétation d'un énoncé ne se réduit pas à la signification conventionnelle de la phrase correspondante.
Différence entre le dit et le transmis, le communiqué. C'est à cette différence que correspond la notion d'implicature.
Deux moyens de communiquer au-delà de ce qui est dit :
- moyen conventionnel qui déclenche une implicature conventionnelle
- moyen conversationnel qui déclenche une implicature conversationnelle
- "Les Anglais sont courageux." ("Tous les Anglais sont courageux") : la signification conventionnelle de la phrase épuise l'interprétation de l'énoncé.
- "John est Anglais ; il est donc courageux." : le locuteur communique plus que ce qu'il dit ; il y a implicature conventionnelle liée à l'usage de "donc".
- "John est Anglais... il est courageux." : ici l'implicature qui permet de passer de ce qui est dit à ce qui est communiqué n'est pas conventionnelle ; elle est conversationnelle, c'est-à-dire repose sur les maximes de conversation et leur exploitation.
Nous sommes dans une perspective cognitiviste et non-béhavioristes :
les maximes de conversation reposent sur la capacité à avoir des états mentaux et surtout celle à en attribuer (en particulier attribuer des intentions).
Exploitation des maximes : lorsque le locuteur viole de façon évidente l'une ou l'autre des maximes, l'interlocuteur fait des hypothèses qui permettent d'expliquer la violation des maximes.
Application aux figures de rhétorique de la maxime de qualité.
Grice, Searle et le problème des actes de langage indirects
Difficulté des approches trationnelles de la théorie des actes du langage face aux actes de langage indirects, par exemple, les requêtes exprimées de façon détournée :
"Peux-tu me passer le sel ?"
Pour Searle, dans un tel cas, le locuteur fait reconnaître son intention (qu'on lui passe le sel) grâce aux règles conventionnelles qui régissent l'interprétation de cette phrase, mais la théorie des actes de langage devrait prédire que cette intention ne sera jamais satisfaite, car elle ne peut être reconnue par la signification conventionnelle de la phrase.
Proximité avec le pb de la fiction.
Solution de Searle, considérer que le locuteur fait ici deux actes de langage :
- un acte primaire, une requête, accompli par l'intermédiaire d'
- un acte secondaire, une question.
La reconnaissance de l'intention passe tout à la fois par les règles sémantiques qui s'appliquent aux actes de langage
et par des informations d'arrière-plan qui relèvent de la connaissance mutuelle.
Searle emprunte aussi à Grice la notion de principe de coopération : dans le cas d'une requête indirecte, il suffit de poser une question sur les conditions préparatoires d'une requête (la capacité/ la volonté qu'a l'interlocuteur à réaliser l'acte requis) pour accomplir indirectement l'acte primaire de requête.
Dans le cadre de la théorie de Grice, l'énoncé "Peux-tu me passer le sel ?" viole la maxime de relation (pertinence) et l'acte de requête est un implicature conversationnelle :
Jean sait que je peux lui passer le sel. Il ne me pose donc pas la question pour que je le lui dise. Il veut probablement que je lui passe le sel.
On a ici une implicature conversationnelle généralisée, c'est-à-dire passée dans le langage.
Inférence non-démonstrative, implicatures et connaissances communes
Le modèle gricéen : modèle inférentiel contraint (déclenché) par les maximes conversationnelles.
Inférence : processus logique par lequel on dérive d'un certain nombre d'informations connues (prémisses) de nouvelles (conclusions).
Les schémas d'inférence valides : schémas d'inférence démonstrative (formalisés par la logique).
Mais les implicatures gricéennes ne sont pas fondées sur des schémas d'inférence démonstrative :
ce sont des mécanismes de formation et de confirmation d'hypothèse : le théorie gricéenne permet de rendre compte tout à la fois du succès et de l'échec de la communication.
Lorsqu'il y a échec /malentendu, l'implicature conversationnelle est annulée.
Les implicatures conversationnelles sont annulables.
Le malentendu n'implique pas nécessairement que les prémisses soient fausses en elles-mêmes, mais plutôt que l'interlocuteur n'utilise pas les mêmes que celles qu'il pensait qu'utilisait le locuteur. (exemple du café qui empêche de dormir).
Les implicatures ne reflètent pas des aspects de l'énoncé que le locuteur souhaite voir évaluer quant à leur vérité ou à leur fausseté : elles sont non-vériconditionnelles.
La portée cognitive de l'oeuvre de Grice et de celle de Searle
Présupposés des sciences cognitives :
- fonctionnalisme : on peut obtenir, au-delà des différences de fonctionnement, les mêmes résultats avec le cerveau et la machine ; il y a entre eux une équivalence fonctionnelle.
- représentationnalisme : caractéristique partagée du cerveau et de la machine : capacité à manipuler des représentations sous forme symbolique.
On ne sait pas `
- comment les prémisses sont choisies
- d'où elles sont tirées
- ce qui permet à un moment d'arrêter le processus et de considérer une interprétation comme satisfaisante.
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RépondreSupprimerC'est vraiment très intéressant
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