mercredi 9 février 2011

Qui a peur de l'imitation ? Pourquoi la fiction, chap.1, Jean-Marie Schaeffer (suite 1)

2. Platon I : du "faire" au "faire-comme-si"

Dans La République, conception complexe, voire plurielle de la mimèsis.
  • dans certains passages, limiter les types de comportement à imiter : fonction positive de l'imitation, dans certaines conditions
  • dans d'autres, condamnation de l'imitation comme telle.
La notion de mimèsis sert à la fois
  • lorsque Platon aborde le pb de la fiction (feintise)
  • lorsqu'il analyse le pb de la représentation mimétique (imitation)

  • Il condamne la fiction
mais
  • accepte l'usage de récits mensongers au service de la politique du Sage.
Coexistence
d'une critique de principe de la mimèsis artistique
et
d'une théorie de la connaissance comme théorie du reflet (ressemblance).

Le Platon de la tradition antimimétique:

1er reproche adressé aux arts mimétiques :
- argument de la contagion : condamner un mauvais choix d'objet. "éviter que la contagion de cette imitation ne gagne la réalité de leur être" (Platon, III,395. L'imitateur risque de devenir ce qu'il imite.
Dans cette perspective, "l'imitation est acceptable à condition qu'elle ne porte que sur des comportements moralement irréprochables."

Usage que le sage fait du mythe (c'est-à-dire feinteise sérieuse, puisque le mythe est reconnu comme un discours se sachant faux mais voulant se faire accepter comme vrai) :
le mythe des origines, susceptible de justifier la hiérarchie sociale de la Cité idéale, qu'il convient d'inculquer aux enfants dès leur plus jeune âge.
Mode d'action de la fiction : celui de la contagion, pas celui de la connaissance rationnelle.

Omissions platoniciennes :
1. Qui est exposé à l'effet de contagion ? a priori, le seul fabricateur de fictions.
Mais pour Platon, le danger concerne tout autant sinon plus le public.
Schaeffer propose de distinguer trois pôles :
- la personne qui imite ludiquement pour son propre profit.
- l'acteur qui imite par jeu mais pour le profit du public.
- le public qui n'imite pas, mais risque d'imiter les comportements de l'acteur par l'attention complaisante qu'il leur porte.

Schaeffer pour poser la question des effets éventuels de la fiction sur la vie réelle, propose de distinguer :
- l'immersion (la perméabilité des frontières entre fiction et réalité : ne plus distinguer le réel de la fiction)
- l'effet d'entraînement (la modélisation de la réalité par la fiction)
"Je peux être victime d'une "illusion référentielle" face à une fiction sans pour autant imiter plus tard les comportements fictionnels.
A l'inverse, je peux prendre modèle sur des comportements fictionnels ou un univers fictionnel en sachant pertinemment qu'il s'agit d'une fiction."

2. Question de la perméabilité de la frontière etre feintise et réalité.
Platon traite la feintise ludique des activités mimétiques comme un reliquat abâtardi de la feintise sérieuse (mensonge).
Refus /incapacité de Platon à "reconnaître l'autonomie de la capacité imaginative en tant qu'activité mentale spécifique, et donc aussi l'autonomie des processus mimétiques ludiques."
Pour Schaeffer, c'est la reconnaissance de cette autonomie qui "permet une compréhension adéquate de la fiction."

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