Nous ignorons quel fut le succès immédiat de ce réquisitoire quoique la suite indique assez qu'il porta coup. Un incident ajourna la catastrophe, François Ier ayant ordonné en 1543 la vente et la démolition de l'hôtel de Flandres, aussi bien que de ceux d'Arras, d'Etampes et de Bourgogne, les Confrères encore une fois expulsés de leur local prirent le parti d acheter une portion de l'hôtel de Bourgogne et et d'y faire bâtir à leurs frais un théâtre. Mais ces dispositions demandèrent du temps ; le contrat ne fut passé qu'en 1548, et il est à croire que, pendant l'intervalle du déplacement, les représentations de mystères cessèrent par le fait, ou, du moins, n'eurent lieu que très-irrégulièrement dans des salles provisoires. Quoi qu'il en soit, lorsque les Confrères présentèrent, en 1548, leur requête au Parlement pour obtenir la confirmation de leurs privilèges, la cour, par arrêt du 17 novembre, les maintint à représenter seuls des pièces sur ce nouveau théâtre avec défense à tous joueurs et entrepreneurs d'en représenter dans Paris et la banlieue autrement que sous le nom de l'aveu et au profit de la confrérie. Mais, en vertu du même arrêt, elle ne permit aux Confrères que les sujets
profanes, honnêtes et licites, et leur interdit expressément les mystères tirés des saintes Ecritures. L'école dramatique de Jodelle, qui s'éleva quatre ans après, acheva de décréditer ce genre de composition sans pourtant l'abolir et nous en retrouverons longtemps encore des restes principalement dans les provinces.
L'arrêt de 1548 s'explique suffisamment par l'état religieux de la France et les progrès menaçants de la Réforme. Ce qui peut sembler singulier, c'est qu'en Angleterre vers cette époque Henri VIII interdisait les mêmes représentations comme favorables au culte catholique, et que la reine Marie les rétablit plus tard à ce titre. Chez nous, le péril était précisément contraire. Les risées dont on accueillait la Nativité de la Vierge ou les Actes des Apôtres, rejaillissaient sur les dogmes et les pratiques de la religion dominante. Il était trop facile, en outre, à tout dramaturge calviniste de glisser en ces sortes de pièces des satires perfides et des insinuations hérétiques, à peu près comme Théodore de Bèze l'a fait dans le Sacrifice d'Abraham, véritable mystère, publié en 1553 sous le titre de tragédie, et dont la lecture arrachait au bon Pasquier de si grosses larmes. En Espagne et en Italie où rien de pareil n'était à craindre, et où les catholiques, vivant en famille, pouvaient s'accorder bien des licences, les drames pieux, tolérés et même honorés, continuèrent paisiblement et ne moururent, comme on dit, que de leur belle mort.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire