Le compte rendu de l'édition publiée chez Champion en 1996.
Selon Jean-Yves Pouilloux, dans l'article qu'il consacre à Pasquier dans l'Encyclopédie Universalis, un des intérêts majeurs de l'oeuvre de Pasquier dans son approche de l'histoire de la littérature française est d'insister, contrairement à la génération précédente qui mettait en avant la rupture représentée par la Renaissance, sur la continuité entre la littérature du XVIe et celle du Moyen-Âge.
Je transcris ci-dessous le passage concernant la renaissance du théâtre antique autour de Jodelle, La Péruse, Baïf et Garnier (Livre VII, chapitre 7, "De la grande flotte de poëtes que produisit le règne du Roi Henry deuxième, et de la nouvelle forme de poësie par eux introduite", p.612 de l'édition de 1665)
Quant à la comédie et tragédie nous en devons le premier
plant à Etienne Jodelle et c’est ce que dit Ronsard en la même élégie :
Après Amour la France abandonna
Et lors Jodelle heureusement sonna
d’une voix humble, et d une voix hardie
La comédie avec la tragédie
Et d’un ton double ores bas ores haut
Remplit premier le français echafaut
Il fit deux tragédies la Cléopâtre et la Didon et deux
comédies la Rencontre & l’Eugène. La Rencontre ainsi appelée parce qu’au
gros de la meslange tous les personnages s’étaient trouvez pêle-mêle
casuellement dedans une maison, fuseau qui fut fort bien par lui démêlé par la
clôture du jeu. Cette comédie et la Cléopâtre furent représentées devant le roi
Henri à Paris en l’hôtel de Reims, avec un grand applaudissement de toute la
compagnie : et depuis encore au collège de Boncour où toutes les fenêtres
étaient tapissées d’une infinité de personnages d’honneur et la cour si pleine
d’écoliers que les portes du collège en regorgeaient. Je le dis comme celui qui
y étais présent avec le grand Tornebus en une même chambre. Et les
entreparleurs étaient tous hommes de nom car même Remy Belleau et Jean de la
Péruse jouaient les principaux roulets. Tant était lors en réputation Jodelle
envers eux. Je ne vois point qu’après lui beaucoup de personnes aient embrassé
la comédie : Jean de Baïf en fit une sous le nom de Taillebras, qui est
entre ses poèmes : et la Péruse une tragédie sous le nom de Médée qui n’était
point trop décousue et toutefois par malheur elle n’a été accompagnée de la faveur
qu’elle méritait.
Tu vins après (dit Ronsard) encothurné Péruse
Espoinçonné de la tragique muse,
Muse vraiment qui t’a donné pouvoir
D’enfler les vers et grave concevoir
Les tristes cris des misérables princes
A l’impourvu chassés de leurs provinces
Et d irriter de changements soudains
Le roi Créon et les frères thébains
Ah cruauté et de faire homicide
De ses enfants la sorcière Colchide
Il ne fait aucune mention de Robert Garnier : D’autant
qu’il ne s était encore présenté sur le théâtre de la France : Mais depuis
que nous l’eûmes vu, chacun lui en donna le prix sans aucun contredit, & c’est
ce que dit de lui même Ronsard sur sa Cornélie
Le vieil cothurne d’Euripide
Est en procès entre Garnier
Et Jodelle qui le premier
Se vante d’en être le guide
Il faut que ce procès on vuide
Et qu’on adjuge le laurier
A qui mieux d’un docte gosier
A bu de l’onde aganippide
S’il faut épelucher de près
Le vieil artifice des Grecs
Les vertus d’une œuvre et les vices
Le sujet et le parler haut,
Et les mots bien choisis il faut
Que Garnier paye les épices
Il dit vrai et jamais nul des nôtres n’obtiendra requête
civile contre cet arrêt. Au demeurant Garnier nous a fait de huit tragédies
toutes de choix et de grand poids, de la Porcie, de la Cornélie, du Marc
Antoine, de l’Hippolyte, la Troade, l’Antigone, des Juives et de la Bradamante.
Poëmes qui à mon jugement trouveront lieu dedans la postérité.
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