samedi 7 mai 2011

Histoire de l'enseignement de la littérature dans le secondaire en France (5)

I. De 1960 à nos jours : la démocratisation de l’enseignement des lettres

1. Le contexte

Les années 1960 marquent dans l’histoire de l’enseignement secondaire une rupture fondamentale. Avec la création progressive du « collège unique », achevée en 1975, le système d’enseignement à deux niveaux dans lequel le secondaire était réservé à une partie de la population est unifié : en 1958 seulement un enfant de 11 ans sur deux entrait au collège, alors que ce sera le cas de 98% d’entre eux en 1973. Le mouvement touchera les lycées dans les années 1980. Ainsi si en 1958, seulement 27,7% des adolescents de 17 ans étaient scolarisés, ils seront 75,9% à l’être en 1984.

Cet élargissement du public scolaire et l’allongement du temps d’études, loin d’entraîner un réel développement de l’enseignement technique ou professionnel, conduisent en fait à la généralisation du modèle de l’enseignement général secondaire aux autres formes d’enseignement. Cependant cette généralisation n’est pas sans provoquer une transformation en retour de la conception même du cours de lettres au lycée, rebaptisées cours de français. Les instructions officielles de 1981 du ministère de l’Education sont sur ce point éclairantes : il ne s’agit plus de transmettre une culture littéraire commune, maintenant soupçonnée de n’être qu’un instrument de distinction sociale, mais au contraire de permettre le développement personnel de l’élève en le reconnaissant comme porteur de sa propre culture. Par ailleurs, la littéraire cesse d’être conçue comme un savoir gratuit et désintéressé pour être rattachée à des finalités professionnelles et citoyennes. Les années 1990 et 2000 redéfiniront cependant la mission de l’enseignement de façon plus traditionnelle comme transmission d’une culture littéraire commune, appuyée sur une connaissance de l’histoire littéraire.

Autre mutation importante du système éducatif, lourde de conséquences sur l’enseignement des lettres et qui marque la fin d’une époque : le latin, héritier des « humanités » et d’une éducation pluriséculaire centrée sur la rhétorique, cesse d’être le critère d’excellence au profit des mathématiques. La figure idéale que projette le système éducatif n’est plus celle du l’« honnête homme » mais celle du scientifique. Le passage de l’épreuve de français de la Terminale à la Première, qui a pour conséquence d’amputer les études des lettres d’une année illustre bien cette perte de prestige de la littérature. Par ailleurs l’approche plus technicienne de la littérature, inspirée des sciences humaines, n’est pas non plus sans lien avec cette transformation.

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