samedi 7 mai 2011

Histoire de l'enseignement de la littérature dans le secondaire en France (3)

I. De 1880 à 1960 : les lettres dans l’Ecole républicaine

1. Une nouvelle conception de la littérature : modification du corpus

Si au tournant des années 1880, au moment où en France triomphent les idées républicaines, le nom de Jules Ferry est d’abord attaché à l’établissement de l’école primaire obligatoire pour tous, son rôle dans l’enseignement secondaire des lettres n’est pas non plus à négliger. A l’image de textes littéraires offrant à l’élève un modèle stylistique – mais aussi moral –, vient, sinon se substituer, du moins s’ajouter l’idée, déjà présente dans les textes officiels du Second Empire, que le corpus de la littérature française constitue un patrimoine national proposé à la fierté des élèves. Ici se conjuguent l’influence de l’histoire littéraire qui se développe comme disciplinaire universitaire au cours du siècle et celle des circonstances historiques, la IIIème République naissante exaltant le patriotisme au lendemain de la défaite française face à la Prusse en 1870.

Une telle conception nationale de la littérature conduit de façon logique à un élargissement du corpus qui s’ouvre alors à des périodes jusqu’ici ignorées : il ne s’agit plus de privilégier le Grand Siècle pour avoir su égaler les chefs-d’œuvre de l’antiquité et offrir ainsi aux élèves des modèles rhétoriques indépassables, mais de suivre dans le temps le développement organique du génie national. Le Moyen-Âge, la Renaissance obtiennent ainsi droit de cité dans les classes. De même, un autre XVIIIème siècle avec certains textes de Rousseau, le XIXème siècle à travers les poètes romantiques comme Lamartine ou Hugo commencent à être étudiés.

Il faudra attendre les années 1930-40 pour que Baudelaire, poète longtemps ignoré des programmes et jugé immoral, trouve sa place, signe d’une transformation de la conception de la poésie privilégiant davantage les émotions et les sentiments. Le XVIIIème des philosophes et de l’Encyclopédie doit attendre, lui, l’après-guerre pour s’imposer comme période valorisée par l’enseignement, alors que pendant longtemps l’image de Voltaire ou de Rousseau restait assez négative.

Il n’empêche qu’aux épreuves du baccalauréat ce seront les textes des auteurs classiques du XVIIème siècle qui continueront à dominer massivement sur toute la période, l’enseignement des lettres se situant dans la continuité des conceptions antérieures qui privilégiaient les auteurs classiques comme garantie d’accès au vrai, au bien et au beau.

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