dimanche 1 mai 2011

Histoire du français en Afrique, Louis-Jean Calvet - résumé chapitre 1

Chapitre 1 : Aux origines de la pénétration du français en Afrique : Saint-Louis du Sénégal

Saint-Louis : Etablissement français en 1659, traite des esclaves.

Jean Dard

Traités de 1815-16 (France et Angleterre) : confirment la présence française au Sénégal.

Tournant du XIXe siècle passage de la politique des comptoirs à celle de colonisation.

Population de Saint-Louis en 1817 : 10 000 habitants, 500 Européens, 2000 noirs, 7500

esclaves.

Volonté du nouveau gouverneur d’ouvrir une école pour former des cadres intermédiaires – des Africains sachant parler, lire, écrire français.

Jean Dard (1789-1833) :

- Enseignant les maths dans l’Académie de Dijon. Auteur d’une brochure sur l’enseignement mutuel, méthode mise au point par Andrew Belle en Inde (1790) à Madras, puis diffusée à Londres : utiliser les élèves les plus avancés pour s’occuper de ceux qui le sont moins.

- Première classe en mars 1817. Très vite, Dard met en place une méthode où l’enseignement se fait en langue indigène : apprendre aux enfants à lire en langue wolof.

- Hostilité du préfet apostolique (qui multiplie les attaques : niveau pédagogique – inefficacité, niveau privé – concubinage, niveau moral – corruption)

- En même temps, Dard s’intéresse au wolof et au bambara et publie un dictionnaire.

Mais en 1819, se fait rapatrier pour raisons de santé.

1829 : Jubelin, sous-directeur des Colonies, porte un jugement très négatif sur la méthode bilingue que poursuivent les successeurs de Dard.

p.25. Bel extrait de la grammaire wolofe :

« La civilisation des Ouolofs est plus que négligée, elle est mise à l’oubli puisqu’on a cessé d’instruire les Noirs au Sénégal dans leur langue. Car quoi qu’on en dise, il faut que les Noirs soient inscrits dans leur langue maternelle, sans cela point d’établissements durables, point de civilisation [...] J’ai souvent remarqué que le jeune Noir n’épelle les mots du français que dans le but d’en former des sons propres à son langage maternel. Si après les avoir étudiés, il ne retrouve qu’un son barbare pour ses oreilles, il s’écrie Kelley don dara (« cela ne signifie rien ») et ne veut plus étudier. Mais si, au contraire on lui donne à épeler un mot africain, alors il le répète jusqu’à ce qu’il puisse l’écrire sur le sable et l’explique à ses camarades. »

L-J Calvet note qu’il est difficile d’interpréter la carrière sénégalaise de Jean Dard à travers un schéma qui opposerait un précurseur de l’enseignement en langue maternelle à une administration enfermée dans ses préjugés.

D’une part, Georges Hardy en 1921 (« L’enseignement au Sénégal de 1817 à 1854 », 1921) porte un jugement nuancé et plutôt positif sur Dard.

La carte des congrégations (p.30)

Ecole de fille à Saint-Louis : 1817, confiée à la congrégation des sœurs de Saint-Joseph (fondée en 1805, en France – activité missionnaire – île Bourbon, Antilles, Sénégal)

1826 : le gouverneur leur confie 3 écoles (2 à Saint-Louis – une pour les Blanches, une pour les Noires, 1 à Gorée – pour les Noires). Début difficile, absence de personnel qualifié.

1849 : personnel qualifié

1852 : école de filles de Saint-Louis : 150 élèves ; 1853 : 168 à Gorée.

1823 : envoi de jeunes Noirs en France pour devenir prêtres, religieuses ou enseignants – sur 19 jeunes gens envoyés en 1825, il n’en reste que 3 en 1835.

Ils reviennent en 1842 : David Boilat (père français, mère signare), Arsène Fridoil (père anglais, mère wolofe), Jean-Pierre Moussa.

Décision de faire appel aux frères de l’instruction chrétienne (fondée en 1819) pour l’école des garçons de Saint-Louis (130 élèves sur 2 classes) : entre 1841 et 1843, 5 frères sont envoyés.

Seule obligation imposée aux frères et sœurs : enseigner en français.

Recours à l’enseignement mutuel en raison du faible nombre d’enseignants – formation de moniteurs.

Pour l’intérieur du pays, l’enseignement est confié aux militaires.

L’enseignement du français en Afrique est en friche.

Autour de David Boilat, création d’une école secondaire – collège de Saint-Louis (à la demande du gouverneur et du ministère) qui recrute les 30 meilleurs élèves de l’école primaire. Enseigner des éléments de latin, d’histoire, de géographie et de dessin.

Hostilité des frères de l’instruction chrétienne (frères de Ploërmel) : l’enseignement primaire est conçu comme une fin en soi, ne devant pas déboucher sur le secondaire.

Le ministère retire son soutien à Boilat

L’enseignement primaire l’emporte sur le secondaire.

1845 : Fridoil remplace Boilat ; suppression du latin, insistance sur le français et l’arithmétique. Fridoil sera lui aussi évincé en 1852.

Echec.

Projet de créer une école des arts et métiers autour de 1848, qui avorte.

1851 : école de Saint-Louis, 100 élèves sur 4 classes. Résultats plutôt médiocres.

Ecole de Gorée : 94 élèves. Niveau médiocre.

1854 : deux écoles à Gorée, deux écoles à Saint-Louis, 17 enseignants, 590 élèves.

Témoignage de Georges Hardy (1884-1972, inspecteur de l’enseignement en AOF de 1912 à 1919) : note une modification dans la conception de l’enseignement dans les colonies : nécessité d’adapter l’enseignement de la métropole aux colonies – référence à Anne-Jean-Baptiste Raffenel, commissaire de la marine et explorateur, concevant l’enseignement comme un rapprochement de l’élément colonisateur et colonisé et comme un moyen de développement des ressources du pays.

L’école des otages (p.40)

Faidherbe : arrivé au Sénégal en 1852, gouverneur de 1854 à 61, puis de 63 à 65.

Pacificateur (campagnes contre les Toucouleurs, les Maures, les Wolofs)

Développement de la colonie : port de Dakar, projet de chemin de fer Dakar-Niger

Positions résolument assimilationnistes :

Création en 1857 par Napoléon III des tirailleurs sénégalais – la langue véhiculaire des tirailleurs d’abord le bambara, puis passage au français – à partir de 1922, cours de français aux hommes de troupe et enseignement donné aux enfants.

Intérêt pour les langues locales

Pour l’enseignement, position francocentriste – enseignement en français.

1855 : école des otages.

Projet double : s’assurer le contrôle des chefs, former de futurs alliés, de futurs intermédiaires entre la population et le pouvoir colonial, en utilisant les structures traditionnelles du pouvoir.

1871 : intégrée à l’école primaire laïque

Réouverte en 1892 : école des fils de chefs et d’interprètes.

Ironie de l’histoire : envoi de fils d’esclaves par certains chefs à la place de leur propre fils.

Gallieni (1849-1916) : gouverneur du Soudan français de 1886 à 91

Même politique : ouverture d’une seconde école à Kayes (Mali) (1886), transférée à Bamako en 1908.

Décision de fonder des écoles dans les différents postes militaires – besoin d’interprètes, d’ouvriers et de techniciens. Consignes pédagogiques restreintes au minimum. En 1891, 7 des 10 postes du Soudan français possèdent leur école, mais seront fermés par Archinard, successeur de Gallieni.

Ambiguité des figures de Faidherbe, Gallieni : militaires et administrateurs.

Conquérir, pacifier, obtenir la neutralité des chefs traditionnels, former des intermédiaires connaissant le français.

L’école dans ce cadre ne joue qu’un rôle utilitaire – qu’elle ne remplit pas.

Ambiguïté du choix du français : question des langues locales et du français, langue de la colonisation. Cf. Léopold de Saussure (administration coloniale en Indochine) : défense du droit des ‘annamites’ à parler leur langue, mais au nom d’une hiérarchie des races et de l’incapacité des peuples d’Indochine à parler le français (typologie linguistique de Humboldt).

A l’inverse, les positions assimilationistes s’appuie sur une conception universaliste – ce ne sont pas les locuteurs, mais les langues qu’ils parlent qui sont dépréciées.

Position d’André Davesne - 1933 : querelle autour des langues d’enseignement en Indochine (article de Brachet)/ en AOF.

Ambition de « franciser toute l’AOF, au sens linguistique et scolaire du mot aussi bien qu’au sens humain. »

« Bien mieux, nous ne croyons pas pouvoir dissocier ces deux préoccupations : enseigner le français, amener les peuples africains à vivre une vie plus humaine ; la langue française nous paraît être un incomparable instrument de civilisation. »

Mise en parallèle avec la francisation de la Bretagne.

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