samedi 7 mai 2011

Histoire de l'enseignement de la littérature dans le secondaire en France (4)

1. L’approche de la littérature : la « composition française » et l’« explication de texte »

Une des mesures importantes prises en 1880, le remplacement à l’écrit du baccalauréat du discours latin par une composition française, donne à l’enseignement de la littérature française toute sa légitimité et oriente nettement les exercices qui seront pratiqués en classe. La « composition française » est en fait une épreuve composite, puisque les candidats peuvent se voir proposer des types de sujet assez différents : jusqu’aux années 1925, on trouve encore beaucoup d’exercices héritiers de la tradition rhétorique, exigeant de l’élève une écriture de type imitatif, comme les amplifications, les narrations ou encore les lettres fictives – par exemple, celle qu’écrirait Ronsard à du Bellay après avoir lu les Regrets. C’est cependant la « dissertation », exercice introduit au milieu du siècle, qui est le plus souvent donnée. Mais dans ce cas, même si les instructions officielles invitent les élèves à exercer leur jugement, il s’agit encore le plus souvent de simplement illustrer et « amplifier » la thèse proposée à la réflexion des élèves. Ce n’est que très lentement que s’imposera le plan « dialectique » où l’illustration de la thèse est suivie de sa réfutation, puis de la recherche d’un compromis ou d’un dépassement. Loin d’être toujours de nature littéraire, les sujets proposent parfois une réflexion de type moral : « Montrez quelle peut être l’influence salutaire ou pernicieuse des bons et mauvais exemples. Faites voir que les bons exemples sont les meilleures leçons ». De même, les sujets littéraires invitent souvent à une lecture morale de l’œuvre, comme ces sujets proposant de voir dans l’œuvre de Corneille « une école de volonté ».

Autre exercice considéré comme « centre de gravité » du cours de lettres : l’explication de texte français. Elle est longtemps conçue comme un effort pour élucider les difficultés du texte. Probablement en partie imitée de la praelectio, lecture commentée des textes anciens pratiquée dans les collèges de l’Ancien Régime, elle repose sur une conception du texte comme « expression des intentions de l’auteur » ; la recherche de la composition de l’extrait est un moment important de l’exercice qui s’achève souvent par une mise en valeur de la dimension morale et esthétique. La pratique de l’explication de texte s’accompagne du développement d’une littérature scolaire de « morceaux choisis » dont le plus célèbre, encore édité aujourd’hui, est le « Lagarde et Michard ».

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