u 1674 : Samuel Chappuzeau, Le Théâtrefrançois divisé en trois livres, où il est traité 1° de l’usage de lacomédie ; 2° des auteurs qui soutiennent le théâtre, 3° de la conduite descomédiens, Lyon, 1674, in-12.
Apologie du théâtre. Chappuzeau : protestant converti.
« La morale chrétienne ne prétend pas de dépouiller l’homme de ses
passions, elle entreprend seulement de les régler. »
Rôle du spectateur dans l’usage : s’il est sage et intelligent, il en
fera son profit ; s’il est ignorant et vicieux, il en sortira tout aussi
bête qu’auparavant.
Il est spectacles plus vicieux que la comédie :
« S’il faut aujourd’hui détourner les yeux de toutes les choses
vaines, il ne faut pas aller ni à la Cour, ni aux Cours, deux superbes
spectacles, et des plus dangereux au compte de nos sévères censeurs. Il ne faut
pas sortir de la maison et se montrer dans la rue, ou il faut, comme un
Tartuffe tendre à la tentation, prendre un mouchoir à la main et baisser la vue
à toute heure devant mille objets qui se présentent. »
Défense de la conduite des gens de théâtre :
« S’il se trouve dans la troupe quelques personnes qui ne vivent pas
avec toute la régularité qu’on peut souhaiter, ce défaut ne rejaillit pas sur
tout le corps, et c’est un défaut commun à tous les états et à toutes les
familles. »
« La comédie est du nombre de ces choses dont l’institution a eu une
fin louable, et qui sont bonnes au fond, quoique par accident elles puissent
devenir mauvaises. »
Mais depuis Richelieu, la comédie s’est « un peu licenciée ».
Raison : place accordée à l’amour.
« On veut de l’amour, et en quantité, et de toutes les manières ;
il faut le traiter à fond, et dans la comédie on demande aujourd’hui beaucoup
de bagatelles et peu de solide. Pour ce qui est de la tragédie, l’Hérode de M.
Heinsius, l’un des poèmes les plus achevés, plairait peu à la cour et à la
ville, parce qu’il est sans amour, et la Sophonisbe qui a de la tendresse pour Massinisse
jusqu’à la mort (celle de Mairet), a été plus goûtée que celle (de Corneille)
qui sacrifie cette tendresse à la gloire de sa patrie, quoique le fameux auteur
du dernier de ces deux ouvrages l’ait traité avec toute la science qui lui est
particulière, et qui lui a si bien appris à faire parler et les Carthaginois et
les Grecs et les Romains comme ils devaient parler et mieux qu’ils ne parlaient
en effet. »
u Pierre de Villiers
(Jésuite), Entretien sur les tragédies de
ce temps, 1675, in-8.
Tout ce qu’on peut reprocher au théâtre vient de l’amour.
« Ceux qui se plaisent à ces livres (les romans vertueux) entrent
insensiblement dans les sentiments des personnes dont ils lisent les aventures,
et comme ils n’ont pas assez de force pour imiter leur vertu, tout le cœur se
porte vers leur amour ; le moindre mal qui puisse arriver est de se
remplir l’esprit de toutes ces vaines idées de tendresse qui nourrissent un
esprit dans l’oisiveté et qui ne tardent guère à gâter les mœurs. La vertu même
de ces amants fidèles sert à corrompre davantage les esprits. »
« le
grand succès de l’Iphigénie a désabusé le public de l’erreur où il était,
qu’une tragédie ne pouvait se soutenir sans un violent amour. »
« excepté
quelques pièces qui sont toutes d’amour, les plus belles tragédies que nous
ayons vues depuis trente années se sont soutenues par d’autres beautés que
celle qu’on trouve dans cette passion. »
La Mort de Pompée, Rodogune, Andromaque, Nicomède, Héraclius, Cinna
u Jean-Baptiste Thiers, curé
de Champrond, Traité des jeux
et des divertissements qui peuvent être permis ou qui doivent être défendus aux
chrétiens, Paris, 1686, in-12.
Condamnation qui embrasse aussi bien les spectacles sérieux et les
bouffonneries des bateleurs.
Condamnation de l’opéra : « Ceux-là mêmes qui croient que la
comédie, les farces et autres spectacles vains et profanes leur sont défendus,
s’imaginent que celui-ci leur est permis. »
Province (en particulier dans les régions où il y a de nombreux nouveaux
catholiques et des protestants) : condamnation repétée de la comédie par
le clergé.
3 octobre 1684, 16 juin 1686 : l’évêque de Montpellier, M. de Pradel,
interdit à deux reprises aux ecclésiastiques de son diocèse d’aller à la
comédie, précisant que l’interdiction s’étend à l’opéra.
u La Bruyère, la question de la comédie et du statut des comédiens :
« La condition des comédiens était infâme chez les Romains, et
honorable chez les Grecs : qu’est-elle chez nous ? On pense d’eux
comme les Romains, on vit avec eux comme les Grecs. » (Des jugements, 14)
« Quelle idée plus bizarre que de se représenter une foule de
chrétiens de l’un et de l’autre sexe, qui se rassemblent à certains jours dans
une salle pour y applaudir une troupe d’excommuniés, qui ne le sont que par le
plaisir qu’ils leur donnent et qui est déjà payé d’avance ? Il me semble
qu’il faudrait ou fermer les théâtres, ou prononcer moins sévèrement sur l’état
des comédiens. » (De quelques usages,
21)
u 1689 :
représentations d’Esther à Saint-Cyr.
Les rôles d’homme sont tenus par des jeunes filles, bien que d’ordinaire
les travestis fussent jugés particulièrement répréhensibles.
Bossuet assiste à la première et sixième représentation ; présence de
nombreux prélats.
François Hébert, lazariste, curé de Versailles puis évêque d’Agen, refuse malgré les
demandes de Mme de Maintenon aux représentations :
« Vous n’ignorez pas, puisque vous êtes si exacts à assister à mes
prônes, que je déclame souvent contre les spectacles, ce que je fais aussi dans
nos assemblées des Dames de la Charité, lorsque l’occasion s’en présente, et il
n’y a personne qui ne sache à la Cour que je suis très opposé à ces sortes de
divertissements, que j’ai toujours été très fortement persuadé être absolument
contraires à la piété et à l’esprit du christianisme. Si j’assiste à cette
tragédie de Saint-Cyr, le peuple, qui m’a entendu si souvent prêcher contre les
comédiens, n’auraient-ils pas sujet d’être très mal édifié de ma
conduite ? Il ne distinguera pas cette pièce de celles qui sont
représentées par les autres comédiens ; il se persuadera qu’il faut qu’il
n’y ait pas de mal d’assister à ces sortes de spectacles, puisqu’on y aura vu
m’y trouver, et on croira pour lors beaucoup plus à mes actions qu’à mes
paroles, ou bien on aura sujet de dire que j’approuve par ma conduite ce que je
condambe dans mes discours. » (Mémoires
du curé de Versailles, François Hébert, Paris, 1927, p.122)
« Je vous dirai franchement que quelques courtisans m’ont avoué que la
vue de ces jeunes demoiselles faisait de très vives impressions sur leurs
cœurs ; que, sachant qu’elles étaient sages, ils en étaient
incomparablement plus touchés que de la vue des comédiennes qui ne laissaient
pas que d’être pour eux des occasions de chute, quoiqu’ils ne doutassent point
que souvent elles étaient d’une vie très déréglée. »
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