La question est intéressante en ce qu'elle permet de mettre en contexte l'attitude de Port-Royal face au théâtre : quelle est la cohérence de l'attitude de Port-Royal face aux arts mimétiques ?
Port-Royal et la peinture
Sommaire
Les port-royalistes se sont beaucoup méfiés de l’art,
soupçonné d’avoir pour fin la seule séduction des sens : « plus on
donne aux sens, plus on ôte à l’esprit », disait Mère Angélique, et la
peinture donne beaucoup aux sens, risquant ainsi d’arrêter sur la créature un
regard qui ne doit porter que sur le Créateur. De plus, l’art menace de
tromper, puisqu’il offre des simulacres sans consistance d’objets eux-mêmes de
peu d’importance. L’art risque ainsi de détourner du dépouillement intérieur
auquel oblige, aux yeux des augustiniens, la religion chrétienne.
Les augustiniens de Port-Royal ne seront pourtant pas des
iconoclastes : à condition de ne pas être objets de jouissance, mais signe
d’une réalité surnaturelle, à condition de ne pas arrêter les sens aux
créatures mais de les guider vers le Créateur, les objets d’art peuvent être
utiles au chrétien, au profit toutefois d’une certaine rigueur : le
peintre doit bannir toute fantaisie et suivre à la lettre les Ecritures. Il
doit également éviter toute tentation de faire preuve de sa virtuosité, ce qui
reviendrait à montrer l’étendue de sa vanité et de son désir d’être admiré pour
lui-même, alors qu’il ne travaille que pour Dieu.
De tels principes que la place de l’art, à Port-Royal,
soit restreinte. Les Constitutions du monastère de Port-Royal, rédigées par la
mère Agnès en 1647, portent la marque d’un retour à l’idéal de saint
Bernard : tout au long du texte, une grande attention est portée au
respect du voeu de pauvreté et à l’élimination de tout luxe, selon l’esprit de
la réforme voulue par Mère Angélique. C’est d’ailleurs dans le chapitre
« De la pauvreté » qu’il est question des oeuvres d’art ; le
texte fixe non seulement l’emplacement des tableaux, mais leur nombre :
par exemple, 6 dans le choeur, 6 dans le réfectoire, 4 dans le noviciat, 2 dans
le chapitre, en tout une trentaine de tableaux. [1]
[1] Source : Sandrine Lely, « Architecture et peinture à Port-Royal
des Champs », in Chroniques de Port-Royal, 54, 2004.
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