vendredi 27 janvier 2012

Condamner le théâtre : Introduction de L'Eglise et le théâtre d'Urbain et Levesque (1930) (4)


u  Récapitulation de la querelle avec reprise des arguments
Ambroise Lalouette, Histoire et abrégé des ouvrages latins, italiens et français pour et contre la comédie et l’opéra, Paris, 1697, in-12.

Desprez de Boissy, Lettre sur les spectacles, 1756, critiquée par Fréron dans l’Année littéraire (t.VIII, 1757, p.184 et suiv.), rééditée six fois et augmentée.
Version finale : 1774, Lettres sur les spectacles, avec une histoire des ouvrages pour et contre le théâtre. Jugement très négatif d’Urbain et Levesque : absence d’unité et d’esprit critique.

Bertrand de La Tour, Réflexions morales, politiques et littéraires, tomes IV et V des Œuvres complètes, Migne, Paris, 1855, 7 vol. in-4.

u  Cependant, le clergé se montre de plus en plus indulgent avec le théâtre, ne demandant plus sa suppression mais sa réforme.
Abbé Claude Boyer, préface à Judith (1695) :
« Qu’il serait à souhaiter que de pareils sujets fussent quelquefois représentés sur la scène française pour édifier et divertir en même temps. La Comédie se doit faire honneur à elle-même en faisant honneur à la religion. Les comédiens ont-ils un moyen plus sûr et plus glorieux pour confondre ceux qui s’obstinent sans cesse à décrier leur profession ? Quel attrait plus puissant pour réconcilier avec le théâtre ceux qui en sont ennemis déclarés ? [...] Quand je parle si avantageusement des matières saintes, je ne prétends pas exclure les sujets profanes, quand ils sont traités sagement et purgés de tout ce qui peut offenser la pudeur et révolter le spectateur raisonnable [...] »

Bossuet : félicite Longepierre du succès de son Electre, « pièce sans intrigue d’amour, où tout se soutient par la terreur. » (Ledieu, Journal, 12 février 1702)

L’abbé de Saint-Pierre, Mémoire pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat dans le Mercure, avril 1726.
« Si, dès à présent, on établit dans un grand Etat une académie pour diriger les spectacles vers les mœurs désirables de la société, si, par les prix qu’elle distribuera aux poètes qui plairont le plus et qui dirigeront le mieux leurs ouvrages vers la bonne morale, il arrivera avant trente ans que les pères et les mères les plus sages mèneront leurs enfants à la comédie comme au meilleur sermon, pour leur inspirer des sentiments raisonnables et vertueux ; il arrivera que, dans toutes les villes de vingt ou trente mille habitants, il y aura, aux dépens du public, des théâtres et des comédiens, afin qu’avec peu de dépense les habitants médiocrement riches puissent assister au spectacle, et l’on verra ainsi le plaisir devenir très avantageux au bon gouvernement, ce qui est le sublime de la politique. »

Le P. Porée, maître de Voltaire au Collège Louis-le-Grand, prononce un discours de défense du théâtre (1733) :
Theatrum sitne velle esse possit schola informandis moribus idonea, Paris, 1733, in-4, traduit la même année par le P. Brumoy, Discours sur les spectacles, in-4.
Après une critique sévère du théâtre de son époque (depuis Corneille, Racine, Molière), appel à une réforme radicale : si le théâtre est corrompu et corrupteur, c’est à cause des instincts dépravés des spectateurs.
Mais en même temps, comme le montre son usage dans les collèges, il peut servir utilement la morale.
« C’est donc à vous, Messieurs, (je parle aux spectateurs, censeurs nés de la plume des poètes et du jeu des acteurs), c’est à vous particulièrement et plus qu’à eux, d’employer vos soins à la réforme du théâtre. Votre indulgence a fait le mal ; c’est à votre juste sévérité de le réparer. Qu’une école que vous avez livrée au vice devienne, par vos efforts, une école de vertu. Contraignez les auteurs d’épargner les oreilles pures. Défendez aux acteurs de faire rougir un front vertueux ; tirez la scène, innocente par elle-même, de la nécessité d’être coupable des crimes d’autrui et de la perte des cœurs. Vous le devez à la religion, à la patrie, et, s’il est dit qu’il faut tolérer les spectacles dans les Républiques chrétiennes, rendez-les dignes, autant qu’il est possible, du citoyen, de l’honnête homme, du chrétien ! »

Languet, réception de La Chaussée à l’Académie :
Alliance de la comédie et de la chaire pour châtier les libertins.
« Le sacré et le profane, le sérieux et le comique, la chaire et le théâtre doivent se liguer pour rendre [les] libertins aussi ridicules qu’ils sont et aussi odieux qu’ils méritent de l’être. »
Eloge qui suscite, dans les Nouvelles ecclésiastiques, la fureur des rigoristes (1736, p.121).

1768, l’abbé de Besplas, Des causes du bonheur public, in-8, p.369-376. Nécessité de réformer le théâtre.

u  Sévérité de la magistrature à l’égard du théâtre et des comédiens :
Arrêt du Parlement du 29 janvier 1759, interdisant toute représentation dans les collèges de l’Université.
1761 : traitement de Huerne de La Mothe pour avoir pris la défense des comédiens : Mémoire à consulter sur la question de l’excommunication que l’on prétend encourue par le seul fait, d’acteurs de la Comédie française
Cf. Voltaire, Conversation de M.l’Intendant des Menus avec M. l’abbé Grizel.

u  Rupture de la Révolution : les Parlements n’existent plus, les comédiens n’ont plus rien à démêler avec les magistrats.
Clergé : rupture avec la tradition gallicane, tolérance.
Attitude générale : Cardinal Gousset, archevêque de Reims :
« Le spectacle, par lui-même, n’est point mauvais ; on ne peut donc le condamner d’une manière absolue ; mais il est plus ou moins dangereux suivant les circonstances et l’objet des pièces qu’on y joue ; on ne peut donc approuver ceux qui ont l’habitude de le fréquenter ; on doit même l’interdire à toutes les personnes pour lesquelles il devient une occasion prochaine de péché mortel. Le spectacle n’étant point mauvais de sa nature, la profession des acteurs et des actrices, quoique généralement dangereuse pour le salut, ne doit pas être regardée comme une profession absolument mauvaise. »
Théologie morale à l’usage des curés et des confesseurs, Paris, 1844, t.I, p.293 et suiv.
L’intrisangeance de l’ancien clergé est rapportée à la tradition gallicane (conflit entre l’attitude romaine, plus tolérante, et l’attitude gallicane ; cf. 1696

u  Le reste de l’introduction est essentiellement consacré à un examen de la réception critique du texte de Bossuet au XIXe et XXe siècles.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire